Jérôme ROUER, mai 97
A Angkor Vat, chacun peut voir avec tristesse que la base de la
plupart des piliers est érodée sur plusieurs centimètres
de profondeur et qu'au moindre toucher le grès se délite
en minces feuilles ou part en poussière. Tous les bas-reliefs
exécutés à moins de cinquante centimètres
du sol sont attaqués et l'on peut prévoir que dans
quelques années ils disparaîtront...
Et par contre, on voit quantité de bas-reliefs qui sont
encore dans un état quasi neuf...
Les fientes des chauve-souris étaient une cause importante de la maladie des pierres. Les chauves souris furent éliminées grâce à des grillages leur interdisant l'accès aux voûtes.... Mais le processus de dégradation continue et semble irréversible.
On sait que l'essentiel des pierre provenaient du lit des rivières
du Phnom Kulhen.
Il s'agit d'un grès tendre, facile à travailler,
qui durcit après extraction, une fois que son eau "
de carrière " s'est évaporée. Ce processus
prends quelques dizaines de mois et aboutit à la formation
d'une peau gris foncée, le calcin.
Le calcin est la matière, le ciment qui lie entre eux les
grains de sable formant le grès. Arrivé en surface
il forme une pellicule de protection et d'imperméabilisation
de la pierre. Gratté, il se reformera tant qu'il restera
du calcin dans le grès, mais au détriment de sa
cohésion interne : de tendre la pierre deviendra de plus
en plus dure puis de plus en plus friable.
Arrive le moment où, faute de calcin résiduel, la
peau protectrice ne peut plus se former : alors la pierre commence
à se déliter sous l'influence de l'eau, des chocs
thermiques et des frottements.
On sait que les Khmers sculptaient les pierres une fois qu'elles étaient posées et que le gros oeuvre était terminé (le temple inachevé de Takeo le démontre) On peut supposer que les pierres avaient alors quelques années ; la première couche de calcin s'était formée mais la pierre pouvait être encore qualifiée de tendre. La sculpture entraînait l'ablation de cette peau et la formation d'une peau de remplacement : la pierre s'affaiblissait déjà. Il en fut de même lorsque les Khmers utilisèrent des pierres d'anciens temples pour en construire de nouveaux (voir en particulier les statues de la Terrasse du Roi Lépreux). Les restaurations et nettoyages du XXéme siècle ont aussi leur part de responsabilité dans la mauvaise santé actuelle des pierres.
A noter que l'Université de Cologne (RFA) a lancé un programme pour restaurer les apsara d'Angkor Vat. Les études et l'expérience acquises à cette occasion devraient permettre de trouver le moyen d'enrayer la dégradation des pierres.