L'entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh |
L'ANGKAR et ses commandements... |
La conclusion de l'ouvrage. |
et... Des causes de la révolution Khmère rouge. |
Le nettoyage radical par le vide continua au fil des jours.
Les cadres civils et militaires furent systématiquement
retranchés de la communauté nationale, la ville
fut "nettoyée de ses ennemis ". Elle fut purifiée
également de tous les apports de l'occident. You Kim Lanh,
cité plus haut, en témoigne :" Je suis resté un mois à Phnom Penh, au travail
avec les Khmers Rouges. Je devais fouiller toutes les maisons
et ramasser le riz qui y restait, stocker les médicaments
provenant des diverses pharmacies. Nous chargions tout cela dans
des barques dont l'équipage était vietnamien. De
temps à autre, un incendie éclatait en ville, mais
nous ne faisions rien pour l'éteindre. Quelquefois, les
Khmers Rouges nous faisaient démolir les maisons en bois,
puis mettre les poutres et les plan ches en tas."
Yeri Savannary, professeur, réfugié en Thaïlande vers le 15.10.1975, confirme indirectement le récit précédent : "A partir de la fin avril, des camions faisaient des rotations incessantes sur la nationale 1 menant à Saigon; ils transportaient des postes-radio, des motos, des cycles de toutes marques, des bicyclettes, des médicaments empaquetés et des armes de toutes catégories. Près de Neak Luong, environ deux cents véhicules attendaient pour franchir le Mékong ; il y avait notamment des Mercédès et des 404. Il y avait aussi trois ou quatre canons de 105 mm et trois camions de médicaments. Le tout, semble-t-il, partait pour le Vietnam. "
Lao Bun Thai, mécanicien, vingt-trois ans, réfugié en octobre 1975, affirme avoir travaillé jusque vers le 15 mai à transporter des meubles, des appareils de télévision, des frigo rifiques et autres appareils ménagers pour les jeter dans un immense brasier situé à une douzaine de kilomètres au nord de la capitale, près de la digue de Stung Kambot.
J'ai vu, de mes propres yeux, plusieurs camions, remplis à ras bord de livres, passer devant l'ambassade de France et gagner effectivement le nord. J'ai vu également brûler sur la pelouse les volumes de la bibliothèque de la cathédrale. La bibliothèque de l'Ecole française d'Extrême-orient, située à quelques centaines de mètres de l'ambassade a subi un sort semblable le 5 mai au matin... Elle ne renfermait plus beaucoup de trésors, car l'essentiel avait été mis en sécurité en France.
Un Pakistanais réfugié à l'ambassade de France a rapporté que les Khmers Rouges avaient pénétré dans son magasin : ils n'avaient rien dérobé. Ils avaient seulement saisi des paires de ciseaux et s'étaient mis à lacérer les coupons de tissus De son côté, un pharmacien ajoutait que les jeunes soldats révolutionnaires avaient brisé tous les flacons que contenait sa boutique.
Ce n'était pas l'appât des richesses qui dirigeait l'action des vainqueurs, mais la volontés bien arrêtée de faire disparaître tout ce qui rappelait l'occident. Après l'euphorie des premiers jours où ils furent séduits par le clinquant de la civilisation qu'ils découvraient, ils reprirent la voie de l'austérité et du dépouillement. Tel Noé, les révolutionnaires furent trompés par la force de l'alcool qu'ils trouvaient en abondance dans la capitale au lendemain de leur victoire, mais bien vite le régime sec reprit ses droits.
Vidée de sa population, dépouillée de ses biens, Phnom Penh, capitale du Cambodge depuis 1865, perle du Sud-Est asiatique, aux larges avenues ombragées, est devenue une ville fantôme, retournant peu à peu à la forêt....De nombreuses pelouses se sont couvertes de bananiers, afin qu'aucun pouce de terrain ne soit perdu.
Plusieurs réfugiés ont traversé Phnom Penh les mois derniers, ils estiment que la ville ne compte guère plus de 20 000 habitants, comprenant uniquement des Khmers Rouges et leurs familles. Les ouvriers vivent dans les quartiers périphériques, près de leurs usines, mais ne peuvent entrer enville. Les Khmers Rouges célibataires sont groupés : les garçons vivent d'un côté de la rue, les filles de l'autre.
Les différents ministères du gouvernement révolutionnaireont un personnel réduit au strict minimum ; la plupart, ne possèdent même pas de bureaux.
Les quelques diplomates de pays socialistes accrédités à Phnom Penh trouvent la vie dure : ils ne peuvent sortir de leur ambassade. Trois fois par jour, une jeep leur apporte leur repas ; ils n'ont aucune distraction, aucun personnel à leur service, lavent eux-mêmes leur linge, etc. " Toutes les deux semaines, le vendredi, un avion de la CCAC chinoise permet aux diplomates étrangers d'aller prendre un bol d'air et de liberté à Pékin... Depuis septembre 1976, ils peuvent aussi emprunter la nouvelle ligne aérienne reliant Phnom Penh à Hanoi. Un seul journal en langue khmère de quatre pages, Padévath (Révolution), paraît tous les quinze jours et diffuse uniquement les nouvelles concevant la construction du pays.
Pnom Penh, la corrompue, est devenue vertueuse et spartiate.