Extrait : JUGEMENT (de Raoul JENNAR) SUR LA MISSION DE L'ONU
Ce livre est une banque de données. L'auteur a réuni
les informations indispensables pour celui qui désire s'intéresser
au Cambodge, connaître son passé et comprendre son
présent.
On trouvera en première partie des faits, des chiffres,
des informations administratives, démographiques, économiques
sur le Cambodge d'aujourd'hui. Une deuxième partie fournit
une chronologie comportant pas moins de 1667 dates, les résultats
des différents scrutins organisés depuis 1946, la
composition de l'Assemblée nationale à différentes
époques et la liste complète de tous les gouvernements
cambodgiens depuis 1945 jusqu'à ce jour. Une troisième
partie fournit plus de 450 fiches biographiques sur des Cambodgiens
en vie, séjournant au Cambodge ou à l'étranger.
Dans une quatrième partie, une bibliographie rassemble
plus de 1 100 titres ainsi que la liste complète des documents
de l'ONU et du Congrès des États-Unis relatifs au
Cambodge.
Avec "Les Clés du Cambodge", on dispose d'un outil de
travail unique. C'est en effet le seul ouvrage sur le Cambodge,
en français ou en anglais, qui rassemble une somme aussi
considérable d'informations dont certaines sont inédites.
NOTE DE CAMBODGE CONTACT :
Raoul Jennar est à notre connaissance le seul indépendant, le seul dont
la carrière ne dépendait pas du sérail, qui ait étudié sur le terrain les effets de
la plus grosse opération, en termes financiers, de l'ONU.
Il n'a pas de mots assez forts pour exprimer son indignation (lire du même
auteur "Chroniques Cambodgiennes"). Seuls les travailleurs sociaux sont épargnés.
Pour les Cambodgiens, surtout à la campagne, la période de l'UNTAC reste celle
du Père Noël...
Aujourd'hui, l'ONU parle de l'APRONUC comme d'un succès,
voire d'un modèle.
Certains diplomates et certains journalistes relaient cette rhétorique
officielle. La réalité est malheureusement bien
différente, comme le montre le bilan de chacune des missions.
1 ) superviser le cessez-le-feu : celui-ci a cessé
d'être respecté moins de trois mois après
la signature des accords. Le volume des activités militaires
est revenu à ce qu'il était depuis 1979 et n'a pas
diminué depuis lors. Pendant la durée de l'opération,
les Khmers rouges ont plus que doublé la superficie des
territoires sous leur contrôle et le nombre des " réfugiés
de l'intérieur ", ces personnes fuyant les zones de
combats, est passé de 60 000 à 85 000. A la fin
de l'opération, son porte-parole était obligé
de reconnaître que les Khmers rouges faisaient sauter les
ponts au rythme d'un tous les deux jours.
2) vérifier le retrait des forces étrangères
: cette vérification a été faite à
plusieurs reprises sans qu'il soit possible de localiser des effectifs
relevant de l'armée vietnamienne. Par contre, la présence
de soldats thaïlandais a été constatée
dans les zones contrôlées par les Khmers rouges,
sans qu'il soit possible d'y mettre fin.
3) regrouper et cantonner les quatre armées dont
70% des effectifs doivent être démobilisés
: ce processus à peine entamé a dû être
stoppé devant l'impuissance de l'APRONUC à faire
respecter leurs engagements par les Khmers rouges. Le principal
objectif de la mission, démilitariser le pays, n'a pas
été réalisé.
4) créer un environnement politique neutre par le
contrôle des structures administratives existantes et la
mise en application du respect des droits de l'homme : cet objectif
a été réalisé avec des fortunes très
diverses. Si le CICR a obtenu que soient libérés
les prisonniers politiques détenus par le PPC, il a dû
se contenter d'une déclaration du FUNCINPEC et du FNLPK
affirmant qu'ils n'avaient pas de prisonniers et s'incliner devant
le refus des Khmers rouges de réaliser ce point des Accords
de Paris.
Par contre, l'action de l'APRONUC a favorisé une certaine
ouverture de la société, ce qui a permis que se
constituent 20 partis politiques, que se créent 4 associations
cambodgiennes de promotion et de défense des droits humains,
que naisse une presse indépendante et libre. La création
de Radio UNTAC a très largement contribué à
convaincre les électeurs de la réalité du
secret du vote en dépit d'une propagande contraire de certains
partis. Toutefois, ces débuts d'une société
pluraliste n'ont pas empêché l'augmentation des violations
des droits humains. Les intimidations et la violence politique
ont empêché bien des candidats de s'exprimer. Les
agressions contre les résidents vietnamiens et les assassinats
se sont multipliés, encouragés par les incitations
à la haine raciale diffusées par la radio des Khmers
rouges, mais aussi par certains journaux de Phnom Penh.
L'impuissance de l'APRONUC à appliquer les Accords de paix
aux Khmers rouges a encouragé la réticence, puis
le refus du PPC à coopérer. L'APRONUC n'a pas été
capable de soustraire l'appareil administratif existant à
l'influence et au contrôle du PPC.
Celui-ci a gardé la haute main sur l'armée, sur
les services de sécurité, sur les structures administratives
centrales, provinciales et locales.
5) réaliser le relèvement du pays (réparation
ou reconstruction des équipements et infrastructures dans
des secteurs de base comme la santé, l'éducation,
les communications) : Le département chargé de cette
mission a manifesté une telle incompétence et une
telle impuissance qu'à peine 10% des travaux à
effectuer étaient entamés à la fin de la
mission.
6) organiser le rapatriement et la réintégration
des 372 000 réfugiés répartis dans les
camps installés en Thaïlande : si le transfert des
réfugiés vers l'intérieur du pays a été
réalisé par l'UNHCR d'une manière très
satisfaisante, la réinsertion des rapatriés fut
et reste un dramatique échec. Parce que les tâches
du relèvement n'étaient pas réalisées,
parce que les autorités en place, qui continuaient à
relever du PPC, ont très souvent manifesté de la
mauvaise volonté si pas davantage, plus du tiers des rapatriés,
deux ans et demi après leur retour, sont réduits
à la mendicité. Pire encore, après avoir
passé plus de dix ans dans des camps, des milliers de rapatriés
se sont retrouvés dans des zones de combats obligés
de fuir, une nouvelle fois.
7) organiser des élections libres et régulières
: des centaines de Volontaires des Nations Unies ont effectué,
avec beaucoup de courage et une grande motivation, un travail
remarquable d'éducation civique, de formation d'agents
électoraux cambodgiens et d'enregistrement des 4 764 430
électeurs. La campagne électorale, en dépit
des intimidations et des violences politiques nombreuses très
souvent dues au PPC, a permis l'organisation de 1 529 réunions
électorales diverses rassemblant au total 800 000 personnes.
En dépit des menaces et pressions en tous genres, 89,56
% des électeurs se sont exprimés. Mais ces élections
étaient organisées en vertu du système électoral
imposé par les Accords (la représentation proportionnelle)
et d'une loi électorale rédigée par l'APRONUC
(les électeurs votaient pour un parti et non pas pour un
candidat) qui ont engendré un régime politique où
il est impossible de mettre en place une majorité politique
homogène et où les partis exercent un droit absolu
sur les élus.
8) veiller au respect de la souveraineté, de l'intégrité
et de l'unité territoriale du pays : en dépit
des moyens considérables mis à sa disposition, l'APRONUC
a été totalement défaillante. Pendant l'opération,
l'armée thaïlandaise a déplacé des bornes
frontalières au détriment du Cambodge. Certains
de ses éléments ont poursuivi une étroite
collaboration avec les Khmers rouges continuant à les soutenir
activement, en dépit des engagements pris par la Thaïlande
lors de la signature des Accords de Paris. Brisant l'unité
du pays et violant des accords qu'elle était tenue de mettre
en oeuvre, l'APRONUC a créé et donné force
au concept de " zone inaccessible " acceptant ainsi
la partition voulue par les Khmers rouges.
Aux défaillances de l'APRONUC, il faut ajouter les effets
pervers de sa présence.
Pendant 18 mois, les Cambodgiens ont été marginalisés
dans leur propre pays. La présence dans un pays où
le revenu moyen ne dépasse pas 200 US $ par an de plus
de 20 000 personnes disposant d'une indemnité évoluant
entre 80 et 150 US $ par jour a eu des effets déstabilisateurs
sur l'économie existante. C'est l'ONU qui, faute d'avoir
pris des précautions élémentaires, a provoqué
au Cambodge une des plus formidables inflations.