Cambodge 1992-1996, un pays rêvé


par Gilberte Deboivieux


140 pages L'Harmattan, 1996.

Critique de Cambodge Nouveau (N°74)


Curieux mélange. Il y a des palmiers à sucre, dans ce livre, des geckos et des crapauds-buffles, des grillons, des oiseaux, des enfants qui jouent, des récits dramatiques, ... et l' on est au bord d' un roman. Mais aussi des remarques pointues, sur la justice par exemple (l'histoire du juge Ty), sur la corruption . . . et l ' on est au bord d' un " aperçu critique du Cambodge contemporain". En tous cas, l' expérience vécue est transmise avec l'émotion , les couleurs, les surprises, les critiques qui en effet font la substance du Cambodge, pour les étrangers qui y vivent.

De bons chapitres sur le grand cirque que fut l' APRONUC et le témoignage vécu des élections.
'Le siège de l' ONU aimerait bien comprendre comment les deux milliards et demi de dollars ont été dépensés. Pourquoi par exemple les cabanons préfabriqués livrés par l' Australie ont coûté 25 000 dollars per personne, pourquoi les jeunes volontaires des Nations Unies recrutés pour le recensement électoral sont facturés 4 400 dollars per mois, alors qu' ils sont payés 2 200, prime comprise (. . .) " . Vieilles histoires.

On retrouve aussi l' Ambassadeur de France et ses propos sur la Francophonie (tenus il y a quelques années à Cambodge Nouveau), qui décidément ont frappé les esprits;

Des réflexions : les Occidentaux seraient des 'rêveurs de Cambodge" (pas sûr qu' ils adhèrent â cette idée) : " Les Occidentaux, ce n'est pas le pays en tant que tel qu'ils cherchent, c' est une image d'eux-mêmes que le Cambodge leur permet de poursuivre (...) Comme les Cambodgiens sont extrêmement courtois et ne contredisent jamais directement, ils peuvent continuer longtemps à construire leur univers imaginaire, leur Cambodge à usage particulier (...) Pour tous le Cambodge est un pays rêvé, non un pays de rêve".

Des questions sans réponse : " Comment ce pays brisé où beauté et chaos extrêmes se côtoient peut-il offrir une image aussi harmonieuse ?".

De courts chapitres qui sans appuyer vont à l'essentiel, comme celui qui décrit les émotions d' un médecin étranger en visite dans un hôpital de campagne.

On attend bien sûr notre juriste sur les questions de Droit. Elle fait dire à un personnage : " Ce ne sont pas les droits de l' Homme qu'il faut essayer de mettre en place en premier, mais des lois, le Droit. (...) Compte tenu de l' absence de normes et du sens de l' intérêt général chez les Cambodgiens, (, ..) il faut assortir cette création d'une intense campagne d' information ... et de contraintes fortes ",

Sur la corruption, c'est une grosse décharge d' artillerie : "La corruption gangrène toutes les relations sociales et renforce le vertigineux clivage économique entre les deux extrémités de l' échelle sociale. Elle devient en soi un système de gouvernement et le Cambodge, vendu par pans entiers, est en train de disparaître ".

Madame G. Deboivieux a-t- elle fait progresser le Code Civil, et mené le Cambodge vers un état de Droit ? En tous cas, elle n'a pas mal occupé ses loisirs pendant les quatre années qu' elle a passés au Cambodge.