Les dépliants de papier ou Kramn

D'après un article de Catherine BECHETTI (Ecole française d'Extrême-Orient)


Les Kramn sont constitués d'une seule surface pliée en accordéon, et de dimensions variables. Le papier est fabriqué à partir de l'écorce du tom snay (Streblus asper), dont les feuilles sont rugueuses et abrasives.
L'écorce des jeunes branches, après avoir séché au soleil, est ramollie par trempage, puis essorée et effilochée de façon à séparer les fibres blanches des fibres brunes - les premières serviront à la confection des livres blancs, les secondes à celle des livres noirs.
D'abord immergée dans un bain de chaux, puis cuite à la vapeur dans un grand cylindre de bambou couvert de feuilles de bananier, elle doit fermenter dans des jarres contenant une solution alcaline qui la désagrège.
La matière fibreuse ainsi obtenue est pressée et martelée sur de larges planches afin de former une pâte homogène. L'opération la plus délicate est celle qui consiste à couler sur des claies (au moyen d'un panier à anse spécial) et à y mouler des quantités régulières de pâte de façon à obtenir des feuilles d'égale épaisseur.
Ces treillages tendus dans de grands cadres de bois, ont la forme d'écrans rectangulaires, qu'on trouve, en général, en trois dimensions (55/220 cm, 98/220 cm, 55/I75 cm). On les pose à la surface d'une eau dormante pour étendre la pâte uniformément, puis on les expose au soleil en les inclinant à 80 degrés sur de longues tiges de bois.
La pâte est essorée au moyen d'un bâton roulé sur toute la surface du tamis.
Les papiers blancs sont traités à la poudre de riz, imbibée d'eau et de chaux, et passée avec des compresses pour rendre les feuilles imperméables.
Pour les livres noirs, on utilise de la suie ou de la poudre de charbon.
Les feuilles sont lissées avec une pierre de rivière, jusqu'à ce qu'elles prennent l'aspect d'un papier glacé. Elles sont ensuite pliées en paravent, et les bords sont égalisés au format voulu. Il ne reste plus, avant de passer à l'inscription proprement dite du livre, qu'à poser la couverture en enduisant d'un ruban de colle le pourtour des pages de garde inférieure et supérieure, pour y fixer plusieurs épaisseurs de papier, repliées soigneusement par degrés sur leurs bords, ce qui forme une sorte de contrefort. La plupart du temps, les couvertures et tranches du livre sont laquées.

Avant d'inscrire les caractères, le copiste doit tracer des lignes avec une mine de plomb. On en compte, à l'horizontale, quatre à six par feuillet. Le plus souvent, il trace aussi deux marges verticales sur les côtés, pour la justification du texte.
Traditionnellement, les signes sont inscrits sous la ligne, et les lignes ne débordent pas les marges fixées, même si les mots pour cela doivent être coupés.
Les textes sont parfois illustrés de figures, schémas, dessins, tableaux, ou motifs peints, qui respectent l'ordonnancement des pages, mais peuvent chevaucher plusieurs feuillets.
L'encre utilisée le plus couramment est de couleur noire, mais on trouve aussi des encres rouges, jaunes et dorées, fabriquées à partir de substances naturelles (cinabre, vermillon, minerais, sulfates, feuilles d'or, etc.). Les caractères blancs - inscrits sur livres noirs - sont tracés à la craie, ou bien avec une encre à base de nacre pilée mélangée à de la résine. On se sert, pour écrire, de stylets de bois ou de plumes de poulets.