Du temps d'Angkor, offrir sa plus belle fille au roi était un signe de vassalité
communément admis...
"La plupart du temps on choisit des princes pour
les emplois (de fonctionnaire) ; sinon, les élus offrent leurs filles comme
concubines royales." Tcheou Ta-Kouan, 1296.
Chez les grands et les riches la polygamie était une tendance courante jusqu'au
début du protectorat.
Elle est cependant contraire à l'instinct du peuple khmer dont
les femmes sont fières, jalouses et vindicatives.
La première femme ( propoun doem ) jouit de beaucoup plus d'autorité, de
prérogatives et de considération.
1- Extrait de l'étude de Gabrielle MARTEL, après un
séjour de 15 mois, en 1962, dans le village de Lovéa
La loi autorise un homme à prendre plusieurs épouses
; elles sont de " degrés " différents.
Il y a une hiérarchie des épouses. La première
s'appelle : propoun doem ou doem, épouse
du début, d'origine, ou grande épouse. Les autres
épouses portent modestement le nom de propoun chong,
épouse(s) du bout, de la fin, ou petite épouse,
propoun totch.
A Lovéa, il n'est venu à ma connaissance qu'un seul
cas de polygamie à l'intérieur du village avec cohabitation
des épouses.
2- Note de Georges GROSLIER in "Retour à l'argile" (1928 )
:
Le Cambodgien est polygame de tendance et prend plusieurs femmes
chaque fois qu'il le peut. La première épouse, littéralement
" grande épouse ", est acquise par l'homme qui
s'est prosterné devant les parents et a accompli tous les
rites prescrits. Il y a d'autres catégories d'épouses
selon la façon dont on les recrute, mais il est inutile
d'en parler ici.
1- Extrait de la thèse de Jean DELVERT, "Le paysan cambodgien", 1960
Le paysan est monogame. La polygamie est légale mais elle n'existe
que chez les riches familles des villes et elle exclut d'ailleurs
la cohabitation des épouses sous le même toit. "La rizière de celui
qui a deux femmes est large comme un van (à trier le riz), son pagne
large seulement comme un boyau de poule".
Il s'agissait d'un villageois du commun, n'occupant aucun poste
particulier, âgé de 41 ans dont la grande épouse
avait 30 ans. Le couple avait perdu 8 ans plus tôt un fils
de 8 mois et, c'est probablement le désir d'obtenir des
enfants qui avait poussé le mari à prendre une "
petite épouse " de 23 ans. Il s'agit là d'un
cas exceptionnel puisqu'il y a cohabitation des épouses,
on pourrait penser que d'autres villageois ayant ailleurs une
épouse du second degré ne l'ont pas signalé
lors du recensement. Cette hypothèse cependant est peu
vraisemblable, pour deux raisons principalement :
- La première est économique et ce que disait A. Cabaton
à ce sujet, au début du siècle, peut être
repris dans la situation actuelle : "Les gens du peuple,
qui n'ont pas de fournisseurs bénévoles, ni de fortune
assez grosse pour nourrir plusieurs femmes et un nombre illimité
d'enfants, s'en tiennent de grand coeur à une seule épouse,
à laquelle ils sont généralement fidèles.
En fait, si donc la polygamie est légale, la monogamie
est la règle pour la grande majorité des Cambodgiens.
"
- La seconde raison tient dans le caractère peu contraignant
du mariage dans cette société. Le divorce est admis
et les mariages sont successifs au lieu d'être simultanés.
La grande épouse doit être consentante. En pratique,
c'est souvent elle qui choisit ses compagnes, elle les surveille,
les commande ; tout se passe sous sa garde et elle ne sacrifie
aucune des prérogatives, aucun des droits dont elle disposerait
seule. Le code cambodgien, très minutieux sur ce chapitre,
règle les devoirs réciproques des épouses,
leur hiérarchie, les appellations dont elles doivent user
entre elles, toutes questions d'héritage, etc. ,
On ne trouve dans cette institution aucune perversité.
On voit beaucoup de vieux dignitaires posséder plusieurs
épouses qu'ils ne fatiguent certainement pas par un surcroît
d'exigence. Il faut rayer de nos papiers -du moins au Cambodge
- ces tableaux de sérails et de harems devant lesquels
notre imagination vagabonde.
Ce peuple est grégaire, gai et bavard. Les femmes forment
la compagnie essentielle, permanente de l'homme et exercent sur
lui une très grosse influence morale.
Elles sont bien plus appelées à son service, à
le soigner, à le distraire par leurs paroles et leur présence,
à peupler la maison d'enfants - qu'à servir d'objets
de débauche. Au surplus leur pudeur est à juste
titre légendaire. Je ne dis pas qu'il n'y a pas dans ce
pays aucune débauche - mais la masse de ses ménages
polygames est paisible.