Depuis deux ans déjà, le corps de Chau Kim se décompose dans la terre saturée d'humidité. Ses fils sont allés consulter l'Achar, qui a désigné un jour faste pour procéder à la crémation. Ils ont construit un modeste hangar en bambou couvert en paillote ; les bonzes de la pagode voisine se réunissent auprès de la sépulture ; des fossoyeurs creusent la terre, mettent au jour les restes du cadavre, sur lequel les religieux récitent les formules rituelles. Les ossements sont respectueusement recueillis, déposés sur un large plateau de métal et portés au bord de la rivière où ils sont méticuleusement lavés.
Placés dans un nouveau cercueil de dimensions restreintes, ils sont déposés sur un tréteau, dans le hangar où, pendant trois jours, les bonzes disent des prières jour et nuit. Le cercueil est alors sorti sur un brancard ; escorté par les assistants, il est porté trois fois autour du hangar qu'il laisse à sa droite, déposé sur un bûcher, recouvert par les bonzes par une étoffe, et incinéré.
Lorsqu'il est entièrement consumé, on éteint, en jetant de l'eau, les tisons encore incandescents.
L'Achar ramasse une certaine quantité de cendres du bûcher, en modèle de forme humaine, symbole du changement de corps, et la couvre avec une feuille de bananier. A l'aube du lendemain, les os calcinés sont recherchés avec le plus grand soin, rapportés dans le hangar et réunit dans un bol en porcelaine que l'on enveloppe dans une étoffe de coton blanc.
La famille se réunit à la pagode où elle dépose les cendres ; les fils du mort font, sur une statue du Bouddha, des aspersions d'eau parfumée, allument des baguettes d'encens qu'ils tiennent dans leurs mains jointes pour se prosterner devant la sainte image, et piquent ensuite dans les brûle-parfums posés sur l'autel.