Diaporama | Les autres temples contemporains |
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Un extrait de ... de Maurice GLAIZE
BANTEA SREI : La citadelle des femmes
(prononcer Bantéa sreille)
Date : seconde moitié du X° siècle (967).
Culte : brahmanique (çivaïte).
Dégagement par H. Parmentier et V. Goloubew en 1924.
Anastylose par H. Marchal de 1931 à 1936.
Le petit temple de Bantéay-Srey se trouve à une
vingtaine de kilomètres Nord-Est du Bayon à vol
d'oiseau, à proximité immédiate (rive droite)
du Stung Siemréap, rivière qui descend du Phnom
Kulèn pour a1ler se jeter dans le Grand Lac. Situé
en pleine forêt et d'échelle très réduite,
dans une région fort pauvre en vestiges archéologiques,
on comprend aisément qu'il ait pu échapper longtemps
à l'attention de tous : sa découverte par un officier
du Service géographique, un lieutenant Marec, remonte,
en effet, seulement à 1914 et son dégagement complet
n'a èté décidé qu'en 1924.
La complète
réussite des travaux d'anastylose qui furent effectués
par M. Marchal fit adopter définitivement par notre service
archéologique ce mode de restauration des monuments, directement
inspiré des méthodes employées déjà
à Java par les archéologues néerlandais.
Si la tâche à Bantéay-Srey était facilitée
par le faible volume des bâtiments et des blocs de pierre,
la dureté du grès employé laissant aux profils
toute leur netteté, et l'abondance d'un décor remarquablement
conservé et partout lisible, le mérite de M. Marchal
n'en est pas moindre, car il a du mener son expérience
sur un chantier lointain et difficilement accessible avec des
moyens particulièrement réduits et une main-d'oeuvre
aussi inexperte que non spécialisée qu'il a fallu
former entièrement.
En 1941, à la suite des négociations menées
par le Japon pour mettre un terme aux hostilités entre
la Thaïlande et la France, celle-ci avait pu obtenir que
Bantéay Srei fût laissé au Cambodge, quoique
situé au Nord du 15° grade qui marquait la nouvelle
frontière : une enclave triangulaire avait été
créée à cet effet dans le territoire de nos
voisins.
La restitution effectuée fin 1946 par le Siam a rendu cette
solution provisoire sans objet.
Partant du Grand Circuit vers l'Est entre Pré Rup et le
Mébon oriental, à 14 kilomètres de Siemréap,
une piste sablonneuse par endroits mais praticable aux automobiles
en toute saison à l'exception de trois à quatre
semaines en Septembre-Octobre - époque des fortes pluies
- traverse le coquet village de Pràdak pour bifurquer plein
Nord au milieu de celui-ci, à deux kilomètres du
point de départ ; franchissant alors la double enceinte
d'un poste de milice, puis dix kilomètres plus loin, longeant
la lisière orientale du village de Khna, - où les
amateurs de lait de coco pourront se rafraîchir aux retour -
on parvient au point d'arrêt des voitures après avoir
parcouru six autres kilomètres. Mettant pied à terre
au bord de la rivière, très encaissée en
cet endroit, et que franchit une passerelle pour piétons,
on gagne enfin, par la piste de droite à la première
fourche qui se présente, l'entrée Est du monument,
quelque 500 mètres au-delà. (C-C : septembre 1997 : une route
en latérite mène jusqu'au temple sans problème particulier.)
D'aucuns, séduits par le charme très particulier
qui se dégage de Bantéay Srei, son remarquable état
de conservation et l'excellence d'une technique ornementale voisine
de la perfection, n'hésitent pas, parmi tous les monuments du groupe d'Angkor,
à lui accorder
la primauté : nous croyons pour notre part qu'il est pour
le moins inutile de vouloir établir une hiérarchie
dans le domaine de l'art et classer des oeuvres aussi dissemblabes
que peuvent l'être Angkor Vat, Bantéa Srei ou le Bayon.
De l'avis unanime, Bantéay
Srei est un "bijou précieux", le " Joyau
de l'art Khmer", et cet éloge comporte en soi·même
la seule critique raisonnable qui puisse en être faite :
celle de relever davantage de l'orfèvrerie ou de la sculpture
sur bois que du travail de la pierre. La nature même du
matériau employé - ce grès rose et dur qui
se découpe et se fouille comme le bois - a conduit l'artiste
à ne plus tailler en volume : l'échelle réduite
de l'ensemble, l'exiguïté des bâtiments dont
les nus disparaissent sous une broderie généralisée
ont fait d'autre part de ce temple sa propre maquette demi-grandeur,
au détriment du thème d'architecture et du caractère
monumental.
Les proportions réduites de Bantéay Srei n'ont pas
manqué de surprendre et demeurent inexpliquées :
c'est une sorte de " caprice " où le détail,
d'une abondance et d'une joliesse incomparables, l'emporte sur
la masse. Sans doute est-il constant que les sanctuaires suburbains
n'atteignent point la grandeur des temples de la capitale, et
le Khmer, habitué à voir le Meru dans une pyramide,
l'océan dans un bassin-fossé et des chaînes
de montagnes dans les murs d'enceinte, tenait-il aisément
les petites choses pour grandes : il n'en reste pas moins que
toutes les mesures usuelles se trouvent ici faussées, avec
des gopuras de l'épaisseur habituelle d'un gros mur et
des baies minuscules où le prêtre ne pouvait s'insinuer
qu'en rampant. Cette anomalie, particulièrement sensible
dans l'enceinte sacrée, a contribué quelque temps,
par suite de l'interpré· tation erronée de
certaines données épigraphiques, à assigner
aux bâtiments du culte une date tardive : on a pu supposer
que les trois tours-sanctuaires n'avaient été construites
qu'aux environs de l'an 1300, en remplacement d'un sanctuaire
unique de grandeur normale - du X° siècle comme les
autres enceintes - ayant occupé le même emplacement.
Il est acquis aujourd'hui, depuis la découverte en 1936,
dans le gopura oriental extérieur de quatrième enceinte,
de la stèle de fondation du temple, que Bantéa Srei
forme un tout, dont le style s'avère par ailleurs parfaitement
homogène.
Gravée en 968, première année
du règne de Jayavarman V, l'inscription donne, avec la
position du soleil, de la lune et des planètes, la date
d'avril-mai 967, dernière année du règne
de Rajendravarman, sous lequel aurait été tout au
moins commencé là construction : après une
invocation à Çiva et à sa " Caktï"
le texte fait l'éloge de Jayavarman V et de son "
guru" Yajnavarâha qui fonda Bantéay Srei avec
son frère cadet, érigeant dans le sanctuaire central
le linga de Çiva Çri Tribhuvanamaheçvara.
D'autres inscriptions relevées par des piédroits
de baies mentionnent l'érection d'un autre linga dans le
sanctuaire Sud et d'un Vishnou dans le sanctuaire Nord.
Le temple s'annonce par un gopura de plan cruciforme en latérite, flanqué de deux petites portes latérales, qui devait correspondre à une enceinte extérieure (quatrième enceinte) en palplanches: Son porche oriental à piliers de grès donne par la finesse ornementale de ses pilastres et de son fronton à Indra sur éléphant tricéphale un avant-goût du décor intérieur et de la belle tonalité rose de la pierre employée....