Les origines du Lokhon Yiké sont très obscures. La seule certitude dont nous disposions est l'origine du mot Yiké, nom d'un tambour, le "Skor Yiké" utilisé par les Chams lors de leurs cérémonies.
Selon une publication du Ministère de l'Information cambodgien de 1962, "le Yiké est un spectacle extrêmement complexe d'origine javanaise parvenu au Cambodge par l'intermédiaire du Siam au milieu du siècle dernier. Dans un style humoristique et familier, il mêle les danses parodiant le théâtre classique et les épisodes fantaisistes inspirées de la vie courante des peuples étrangers sur un accompagnement d'un amalgame de mots indonésiens, malais, chinois, birmans, vietnamiens, et bien entendu, cambodgiens. Cette forme de théâtre quelque peu surréaliste est très apprécié du peuple des villes".
Le répertoire a évolué nettement. Alors qu'avant les années soixante-dix, les Jakata ou histoires des vies du Bouddha étaient majoritaires, depuis 1980, on joue surtout des légendes ou des pièces en relation avec la vie quotidienne.
Le "Hom rong" ou "Sompéah Krou" du Yiké a des formes qui lui sont propres et permettent aux acteurs de s'échauffer.
Le maître est metteur en scène, conteur, et joue du grand Skor (tambour). Il dirige les répétitions et gère la place devant être laissée à l'improvisation lors des représentations. Il a en effet toute latitude de laisser une scène se prolonger ou de l'écourter en fonction des réactions des spectateurs. Sans qu'ils s'adressent directement à eux, les acteurs se règlent sur les paroles de son récit.
Le maître introduit la pièce, puis les scènes en annonçant chaque personnage. L'acteur concerné rentre alors accompagné par le chant des choeurs, et se présente au public en reprenant les indications du conteur. Ensuite il commence son jeu et exprime l'action et les sentiments de la scène par des chants partiellement improvisés (texte en vers de quatre pieds, forme la plus ancienne de la versification, antérieure à la période angkorienne), des danses, improvisées à partir des exercices d'entraînement, et du texte improvisé en prose.
Le maître est aussi maître de la musique, décidant des morceaux qu'il convient de jouer et donnant le départ avec son Skor. Le Skor Yiké est l'instrument pivot de l'orchestre qui accompagne la représentation. Quel que soit leur nombre, qui peut aller jusqu'à douze, ils sont tous de tailles différentes et le plus gros revient au maître.
A leur côté, il n'y a que deux autres instruments à vent dont l'utilisation est très parcimonieuse : le Sralay n'est utilisé que pour accompagner le mouvement d'envol des jeunes filles lors des danses du Hom Rong; le Tro Ou donne le ton aux chanteurs au début des morceaux.