Les ethnies du Cambodge

SOURCE DE REFERENCES : Anthropologie des Cambodgiens par le Dr Georges Olivier, EFEO 1968.
Jérôme ROUER, 12/12/1996
Khmer Cham Chinois Vietnamien Autres


Dicton khmer :
Les Siamois agissent par calcul et intérêt, les Vietnamiens par ruse et tromperie, les Khmers vertueux n'ont jamais oublié l'honnêteté, les Chinois sauvages parlent bruyamment.
Seam min chaol kboune, Youne min chaol pute, Khmer borisot min chaol sachak, A chen apalak min chaol lôla.


Khmer, Lao, Cham, Kha, Khmu, Rhades, Jaraï... appartiennent à l'Asie brune. Peau brune, teint foncé, yeux ronds et parlent des langues atonales d'origine commune dite Môn-Khmère.
Chinois, Vietnamien, Hmong, Thaï appartiennent à l'Asie jaune : type mongoloïde, yeux bridés, teint clair et utilisent des langues tonales.

Au Cambodge près de 90 % de la population se définit comme khmère, ce qui ferait de ce pays l'un des plus ethniquement "purs" de l' Asie du Sud-Est.
Mais:


Les Khmers

Lire aussi :
Traits de comportement et caractère khmers
Caractéristiques anthropologiques
Origines du peuplement khmer

L'ethnie khmère déborde largement de l'actuel Cambodge, tant au nord-est de la Thaïlande, lieu de première constitution mais où ils se siamisent de plus en plus rapidement, qu'au Sud-Vietnam (Khmers krom).

L'hypothèse la plus communément admise, quant à l'origine du peuple khmer tient dans la présentation du Dr Pannetier :
"Dans l'ensemble, on peut dire que le khmer résulte du croisement de l'Hindou avec des éléments locaux, proto-malais ou négritos. Le type est d'ailleurs d'autant moins mêlé qu'on s'éloigne des fleuves, par où s'effectuèrent les grandes coulées de migration.

Sa taille est au dessus de la moyenne ; il est brachycéphale ; la fente palpébrale est souvent franchement horizontale, ou légèrement oblique. On rencontre même des yeux clairs en dehors de tout albinisme. Les sujets très barbus ne sont pas rares." (Docteur PANNETIER, 1917)
D'autres maintiennent que :
Les Khmers seraient originaires de la Chine du sud-est et se seraient établis dans la péninsule, tout d'abord dans le nord-est de l'actuelle Thaïlande, avant le 1er siècle de notre ère.
L'anthropologue Olivier, aux termes d'une longue étude publiée sous l'égide de l'EFEO affirme :
"le Khmer représente une race locale indochinoise, se différenciant de la race chinoise par l'apparition progressive de caractères méridionaux."
Tous sont d'accord pour dire que :
Pendant quelques siècles ils ont connu une très forte influence, principalement religieuse et culturelle, d'origine indienne. Guerriers redoutables, ils dominèrent la péninsule pendant de nombreux siècles. Puis ils sombrèrent dans une décadence sans fin allant jusqu'à de longues périodes d'annexion de leur propre territoire par les Thaïs ou les Vietnamiens. Si les Thaïs respectaient en partie la culture des territoires qu'ils envahissaient, préférant la déportation massive des populations en vue d'en faire des esclaves, les Vietnamiens anéantissaient avec raffinement les populations conquises.
Peuple paysan, riziculteurs, les Khmers ont toujours marqué un dégoût invétéré pour les affaires. Ce qui n'est pas le cas des Sino-Khmers (métis chinois), qui ont une mentalité différente des Khmers de race.

"En ce qui concerne l'éducation, nous nous rappelons que nous sommes fiers d'être Khmers, originaires de la période angkorienne ayant le comportement doux, sage, sérieux et persévérant. Il s'agit d'un type qui connaît le bien et le mal, qui respecte les lois et les disciplines, qui obéit aux parents et aux maîtres, qui sait se conduire dans le bon sens et qui fait preuve de compétences en économie et en architecture ce qui fait du Royaume du Cambodge à cette époque là, un pays avec des milliers de temples, avec une superficie immense dont le renom s'inscrit dans l'histoire du monde et de la région sud est asiatique.
Mais malheureusement, ces caractères et ces comportements des khmers d'Angkor ont disparu lors des conflits entre les Khmers et les Khmers au terme des années 70 à 90. Ceci risque de faire d'une partie de notre génération, des types indifférents, méchants, ambitieux, destructeurs, voleurs et corrompus...". NORODOM RANARIDDH, Premier Premier Ministre, 15/03/96.


Les Vietnamiens

Rien de plus antinomique que les Khmers et les Vietnamiens. ( lire Khmers et Annamites et les extraits du roman de Loup Durand, Jaraï )

"Il existe nulle part au monde deux peuples voisins plus éloignés par les moeurs ; presque toujours les deux termes cambodgien, annamite, viendront s'opposer comme deux antithèses." (Docteur PANNETIER, 1917)

"Plus nombreux (que les Chinois) seront bientôt les Annamites qui continuent instinctivement leur tâche d'absorption, rongeant les frontières, s'introduisant par les voies fluviales, pénétrant par les cours d'eau. L'Annamite erre, vagabonde partout où sa jonque passe, supportant avec sa philosophie naturelle les exigences d'une race pour laquelle il n'éprouve cependant qu'une aversion instinctive mêlée de mépris. Il se venge en cherchant à duper continuellement le Cambodgien avec lequel il forme le plus grand contraste, sauf en ce qui concerne l'amour du jeu qui leur est commun. A bout de ressources, le Cambodgien met en gage sa femme, ses enfants, ses amis et, en dernier lieu, s'engage lui-même." (comme esclave) AYMONNIER, 1868.
 
 


 

Le Nam Tien ou "la descente vers le sud",
expansion ancestrale qui a abouti à l'absorption du royaume cham (l'Annam), puis à celui de la Cochinchine qui était khmère. (Saïgon s'appelait Preï Nokor, la "ville de la forêt" et fut absorbée vers 1700).

Présents depuis longtemps sur le sol cambodgien, soit par fait de simple immigration soit par occupation militaire, on en connaît au moins trois, et colonisation, le nombre de vietnamiens avait considérablement diminué dans les années 1970 à 1979. Puis de 1979 à 1989 le Vietnam, qui avait envahit le Cambodge, effectua d'importants transferts de population. Une grande partie est restée sur le territoire.
Autrefois les Vietnamiens supplantaient et anéantissaient. Leur pénétration a changé de forme, pour se rapprocher de la "technique chinoise" : se fondre dans le nouveau pays, prendre femme et se dire khmer... d'origine krom s'il y a problème... C'est une nouvelle cause de mongolisation, par métissage, du peuple khmer.

On retrouve les Vietnamiens dans les métiers du bâtiment, la petite industrie (mécanique, ferronnerie), la pêche et l'agriculture. Pour ce qui est du commerce, ils achètent et vendent entre eux . Ils tiennent aussi des secteurs lucratifs du tourisme urbain...


Les Chams, troisième minorité ethnique.

(Prononcer 'tiam', lire aussi : le Royaume de Champa)

Les Khmers-chams sont musulmans, sunnites de l'école chafiite, et relévent des "Khmers-islam " tout comme les malais du Cambodge.
En 1997 le Cambodge comptait près d'un demi million (un million en 1970) de musulmans et quelques 260 mosquées, toute offertes par la communauté islamique étrangère.
Musulmans et bouddhistes ne se mélangent pas et vivent dans des quartiers ou des villages distincts.
 

Descendants du royaume Champa, le Champa de Marco Polo, dont la capitale, Vijaya, contemporaine d'Angkor, se trouvait au centre du Vietnam,dans l'Annam, les derniers Chams survivants des Khmers rouges coulent enfin des jours tranquilles au nord de Phnom Penh et dans la région de Kompong Cham.

Le Champa a connu ses heures de gloire et de fastes.
Né de la rencontre, par une peuplade Moï, des cultures indienne puis chinoise, (des auteurs disent cependant que ce sont des conquérants malais installés en Annam), le Champa adopte au IVème siècle l'alphabet indien, le sanscrit qui devient la première langue écrite de la péninsule. La religion est alors brahmaniste civaiste. Ses légendes sont du même type que celles du Founan. Les Chinois les décrivent comme ils décrivent les Founanais : "noirs de peau , yeux enfoncés dans l'orbite, nez retroussé, chevaux crépus" ce qui correspond peu aux Chams actuels. Un autre chinois dit "yeux profonds, nez droit et saillant, cheveux noirs et frisés".
Arrivés au Cambodge il y a trois siècles, musulmans et en rapport avec les Malais, les Chams pendant longtemps ne se sont pas mariés avec des Khmers.
Physiquement plus fins, moins foncés, moins grands et de visage plus allongé que les Khmers, ils différent nettement de tous les autres Cambodgiens.

L'apogée du royaume Cham coïncide avec celle d'Angkor, vers le XIème siècle. Les deux royaumes d'Angkor et de Champa se sont souvent affrontés jusqu'au 12° siècle. les Chams ont même occupé Angkor pendant quelques années de 1177 à 1181. Cependant jamais les Chams ne furent considérés comme des ennemis héréditaires, bien au contraire, les Chams, oppressés par les Vietnamiens qui avaient fondés au X° siècle un royaume indépendant de la Chine, émigrèrent en masse vers le Cambodge où ils étaient bien accueillis....
Le dernier roi Cham aurait été capturé par les Vietnamiens en 1471. La dernière ambassade cham vers son protecteur chinois date de 1543.
Tous les Chams ne furent pas tués bien que la politique des Vietnamiens soit de refouler et de supplanter.

La conversion globale du peuple cham date de la chute du Royaume, sans doute par rapprochement avec des Malais et des Javanais de religion musulmane.
Le Champa disparaît corps et biens au XVIII ème siècle, après des siècles de lutte contre son destructeur, le Viêt-nam...

Bien que peu nombreux (150 000 en 1975) les Chams ont toujours joué un rôle important dans la politique intérieure du Royaume et ont toujours été des alliés fidèles de la royauté, obtenant ainsi titres et privilèges non négligeables.
En 1964 se créa un Front de Libération du Champa, soutenu par le gouvernement cambodgien, contre les Vietnamiens. Ce Front fut connu sous le sigle FULRO pendant la seconde guerre d'Indochine..

En 1975 les Khmers rouges ont anéanti plus de la moitié de la population cham du Cambodge et rasé jusqu'à la dernière brique toutes les mosquées...

Dans les mosquées, le tambour cham, avatar d'anciens rituels, accompagne la prière et rappelle que les Chams n'ont adopté la religion musulmane que tard dans leur histoire.
Les femmes ne portent pas le voile, n'entrent pas à la mosquée, et n'épousent que d'autres musulmans. En plein Ramadan 1996, le touriste pouvait voir des cochons paître dans le parc de la mosquée Internationale... Il n'est pas faux de dire que la population cham, bien que sourcilleuse quant à ses différences, est parfaitement intégrée à la communauté cambodgienne.

Le bouddhisme cambodgien interdisant de tuer les animaux, le métier de boucher est souvent occupé par des Chams.



Les Chinois

Tchéou TA KOUAN, dès le 12 ème siècle préconisait l'expansion économique de la Chine vers le riche Cambodge. Il nous dit aussi qu'il trouva beaucoup de compatriotes car "le riz est facile à gagner, les femmes faciles à trouver,..., le commerce facile à diriger".
Avant 1975, il n'y avait pas un hameau, pas un lieu-dit où ne soit installé un chinois... maître économique de toute la population...
Depuis des siècles s'opère une sinisation lente et inexorable de toute l'asie du sud-est. Ce sont "les grands métisseurs du peuple khmer"( Groslier).

Dès le 18éme siècle Phnom Penh était marquée par la présence, essentiellement commerçante, des chinois. Ceux- ci, en pratiquant l'usure (des taux de 500 % pour six mois), arrivaient à faire son esclave du Cambodgien.
Le Protectorat avantagea outrageusement l'ethnie chinoise, au point de faire du Cambodge, sur le plan économique, une colonie chinoise.
Les Khmers Rouges, bien qu'ayant exterminé les chinois du Cambodge, s'appuyèrent sur l'aide de la Chine, notamment pour faire venir des experts. Mais ceux-ci n'avaient pas le droit de frayer avec la population.

Le roi Sihanouk entretient une fidèle amitié avec la Chine.


"LA QUESTION CHINOISE" texte du Docteur PANNETIER dans "Notes Cambodgiennes" (1917)
" Plus ou moins en relations de tout temps avec la Chine, le Cambodge compte actuellement (1917) une population approximative de 150.000 Chinois ( environ le dixième du chiffre de ses habitants); et si le Tonkin, l'Annam, et à la rigueur la Cochinchine, sont actuellement susceptibles de faire abstraction de cet élément social, on peut affirmer qu'au Cambodge ( exactement comme au Siam) le Chinois est devenu pour ainsi dire indispensable à notre activité moderne. Il représente un élément vivifiant, un rouage sans lequel les " affaires " seraient aussitôt immobilisées. Emigré du Sud de la Chine, plus ou moins républicain, il ne constitue assurément pas un danger politique immédiat - les événements récents l'ont prouvé-- mais son accroissement rapide n'en crée pas moins un des plus gros problèmes de l'avenir du pays.

Le nombre des Célestes va, en effet ,grossissant chaque jour (surtout par leurs métis qui, après plusieurs générations, et alors même qu'ils ont oublié la langue de l'ancêtre chinois, continuent à se réclamer de la nationalité étrangère). Le Siam, où s'observe le même phénomène, les assimile politiquement et socialement - c'est la solution élégante du problème, au point que le Siamois ethniquement pur serait devenu actuellement une fiction - et l'intérêt du Cambodge serait certainement d'en faire autant : ils sont travailleurs, industrieux, commerçants, s'harmonisent assez bien, en somme, avec les habitants dont ils épousent les filles, et ainsi le pays ne pourrait que bénéficier de l'infusion d'un sang nouveau, le croisement donnant, tant au point de vue physique qu'intellectuel, d'excellents résultats.
La vieille législation interdisait aux filles cambodgiennes les mariages avec les étrangers. Elle s'opposa ainsi longtemps à ce métissage; Actuellement, rien n'est plus fréquent que ces unions sino-cambodgiennes (sauf chez les Cantonnais qui amènent avec eux leurs épouse chinoises). Les produits sont tout à fait intéressants, formant des populations fixées, laborieuses, intelligentes. Quelquefois, ayant déjà femme et enfants en Chine, le céleste contracte dans la colonie une sorte de <<mariage à terme>> . Dans ce cas, à son retour au pays natal, il ne laisse jamais à l'abandon ses enfants derrière lui: il a toujours soin d'assurer leur existence, ainsi que celle de leur mère. [ Khi-nok, " crottes d'oiseau", tel est par contre le nom que les Siamois donnent parfois aux enfants métis des Européens. Cette expression mérite d'être méditée par le sociologue ].

Mais c'est ici que le problème se complique et tourne au paradoxe : grâce à nous, Français, les Chinois (avec leur organisation en congrégations indépendantes) constituent actuellement un Etat dans l'Etat cambodgien, car loin de faciliter cette assimilation à la patrie khmère, nous faisons tout pour l'empêcher.
Nous nous sommes, en effet appuyés sur ces étrangers et posés comme leurs protecteurs,
[ Ce que nous avions fait également au Siam; L'importance de l'élément chinois au Siam est tout à fait comparable d'ailleurs, à ce qu'elle est au Cambodge, et le problème était le même dans les deux pays jusqu'au dernier traité (1907). Pourquoi le Cambodge ne l'a-t-il pas encore résolu? ]
(ils n'ont pas encore de consuls en Indochine), réalisant à leur bénéfice, vis-à-vis du Gouvernement Cambodgien, un véritable régime d'extraterritorialité; en sorte qu'ici le Chinois apparaît, aux yeux de l'indigène, comme une manière de Français. [ En réalité, il y est mieux qu'un Français car, outre la fixité, la pérennité que la Français ne saurait avoir sur les lieux, il possède indiscutablement d'énormes avantages sur ce dernier , en raison de son mode de vie voisin de celui de l'indigène, et de conditions générales trop connues pour qu'il soit nécessaire d'insister]

Il échappe tout à fait à l'action administrative cambodgienne; les autorités locales n'en ont même pas le contrôle.

C'est à l'année 1897 que remonte cette situation, relativement récente, on le voit. Jusque là, les Chinois, tout comme au Siam actuellement, étaient justiciable des tribunaux du pays, et soumis aux mêmes corvées que les autres sujets. Notre Représentant, qui avait engagé la lutte contre Norodom, leur fit un jour ce cadeau inattendu, pour réduire le pouvoir royal au profit de notre Protectorat.

On comprend quel poids mort pèse ainsi, au point de vue social, sur le Cambodge ! Et , comme au point de vue économique le Chinois est aussi le maître, qu'il possède toute la fortune, on voit qu'il constitue, grâce à nous, et au détriment de l'indigène, une classe privilégiée dans ce pays qui n'est pas le sien. Il faut voir de quel air il traite les autorités locales - qu'il tient, d'ailleurs, par l'argent, par le jeu- et quel sourire ironique de pitié il affecte pour l'habitant!
Il vit, cependant, à côté de lui, bien mieux, se mêle, s'allie à lui. Mais il sait parfaitement que c'est de nous seul qu'il relève. Or, nous sommes larges, nous sommes lointains, nous sommes instables, sans ténacité. Moyennant un impôt de capitation annuel d'environ 14 piastres, il n'est guère plus inquiété qu'un Européen, bien moins qu'un Annamite, sujet Français. Pour lui, ni prestations, ni corvées, ni réquisitions, ni service militaire (ou de milice), ni les tracasseries et vexations auxquelles sont exposés les habitants (un des principaux griefs des manifestants de 1916 et qui font, par exemple, qu'un témoin quelconque, convoqué par les autorités de l'intérieur, est normalement traité comme un inculpé), ni surtout la juridiction cambodgienne!
Aussi les métis chinois, très nombreux, s'obstinent-ils, après de longues générations, à se réclamer de leur ascendance étrangère, alors qu'ethniquement tout différence avec les indigènes s'est effacée ( il arrive que de purs Cambodgiens invoquent ainsi un atavisme chinois imaginaire); ils connaissent si bien cette situation privilégiée du Céleste qu'ils ne sauraient avoir la moindre hésitation à opter; ils préfèrent s'acquitter d'une capitation trois fois plus forte que celle des ressortissants cambodgiens, et ils y ont bénéfice : ils échappent ainsi à l'Administration et à la Justice du pays, si lourdes à l'habitant. J'ai vu pour le même fait deux voisins, frères de langue et aussi de race manifestement, l'un jugé par le tribunal français, l'autre par le tribunal cambodgien, condamnés , le premier à quelques piastres d'amende, l'autre à trois ans de prison.

Et l'on aboutit de la sorte à cette conclusion vraiment paradoxale: dans le Royaume actuel du Cambodge (1917) tous les statuts sont préférables au statut cambodgien. L'indigène devient ainsi en définitive le paria de son propre pays.
Cette situation dualiste s'exprime en dernière analyse chez les prisonniers, ultime centrifugation de cette inégalité révoltante. Il est aisé de faire la comparaison de notre prison centrale à Phnom-Penh avec la prison cambodgienne, contiguë l'une à l'autre: encombrement, défaut d'hygiène, sont le triste lot de cette dernière, avec le port des chaînes, les durs travaux pour le détenus (même les condamnés pour dettes ou pour contraventions administratives à cinq jours de prison, y compris les prévenus, sont mis à la chaîne et confondus), et comme conséquences : morbidité et mortalité au moins quintuple chez les derniers. En 1917 : 8 décès d'un côté, contre 62 de l'autre ( pour un effectif qui n'est pas triple); en 1916: 2 contre 42; en 1917: 5 contre 44 et en 1918 (premier semestre): 3 contre 31 .

Dédaigneux des conséquences de cette situation (dont la gravité éclatera le jour où la Chine établira dans le pays une représentation diplomatique), notre esprit fiscal superficiel favorise semblable monstruosité de tout son pouvoir!"


Les ethnies diverses, résidu du peuplement primitif

Pour plus de détails, lire les populations primitives.

Il existe un peu partout en Indochine des populations arriérées, cantonnées dans les montagnes ou les forêts, dont le niveau culturel est semblable. En effet, du point de vue ethnologique, on constate une certaine unité : l'organisation est tribale, souvent limitée à un village ; l'alimentation est basée sur la chasse, la pêche et la cueillette, ainsi que sur une piètre culture du riz de montagne, sans irrigation, sur brulis ou par essartage (ray). Ils parlent des dialectes différents d'une tribu à l'autre, mais ceux-ci se rattachent à des familles linguistiques diverses, ce qui semble traduire des influences étrangères : le tibéto-birman, l'austro-asiatique (ou môn-khmer), ou le malayo-polynésien (austronésien).
Ces primitifs n'ont pas de nom collectif ; partout on les désigne sous des vocables qui signifient sauvages ou esclaves : pnong en cambodgien, chong en thaï, kha en laotien, moï en vietnamien, sakai en malais, kuki en bengali...
CONDOMINAS les nomme « protoindochinois », terme qui indique qu'il s'agit des véritables autochtones de la péninsule indochinoise.
Au Cambodge, on les désigne officiellement sous le nom de Khmers-leu (ou Khmers de la montagne, Khmers d'enhaut), et l'on cherche d'ailleurs à les intégrer, à les « khmériser ».

Principales tribus (Pour plus de détails, lire "les populations primitives") :
Nord-est Nord Nord-ouest Ouest Sud
Kravet Kouys Samré (les tatoués) Péars (ou Porrs) Saoch
Braos
Krûng
Tampuon
Mnong
Stieng
Jaraï

Outre les Khmers, le territoire comprend deux grandes ethnies autochtones : les Samré et les Kouys originaires de la région du Grand Lac.
Mouhot appréciait particulièrement les Samré qui étaient, avec les vietnamiens, les seuls à qui il trouvait des qualités.
Le territoire comprend encore des centaines d'ethnies Môn qui se retrouvent soit dans les montagnes, soit dans les zônes les plus déshéritées et d'accés difficile... Ce sont en général des populations animistes et très superstitieuses
A titre d'exemple, une étude de terrain de Frédéric Bourdier en 1995, dans le cadre de l'AUPELF.UREF donne les chiffres suivants pour la population de la province de Ranatakiri (nord-ouest du Cambodge) :

ETHNIE Nb Groupe linguistique
Tampuan 16 368 môn-khmer
Jorai 14 040 malayo-polynésien
Krung 13 430 môn-khmer
Khmer 9 396
Lao 6 467
Brao 5 328 môn-khmer
Kachach 2 164 môn-khmer
Kraveth 1 210 môn-khmer
Vietnamien 753
Chinois 190 
Lum 41 môn-khmer
Phnom 32 môn-khmer