Source : Iconographie du Cambodge post-angkorien, de
Madeleine GITEAU, EFEO 1975, 400 pages.
Texte : Jérôme ROUER, novembre 1996
Peinture | bronzes | Photos |
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Dès 1327, début du dernier siècle de la période
angkorienne, tout se passe comme si les forces créatrices
de la société angkorienne avaient progressivement
déserté, de gré et de force, pour la cour
de Siam, alors royaume d'Ayuthia.
La seconde prise d'Angkor par les Siamois ( en l'année
du serpent ou en l'année du coq, soit vers 1432) marque une rupture : la ville est désertée,
la cour royale commence une longue errance sans lustre ni gloire
rythmée par des révolutions de palais incessantes.
En bref, le pouvoir civilisateur s'est déplacé de quelques centaines de kilomètres à l'ouest, vers les plus forts, en emportant son savoir-faire et ses richesses, abandonnant la cuvette du Mékong à son triste sort et à ses innondations.
Il faudra attendre un siècle et la première période de faiblesse du royaume d'Ayuthia, sérieusement mis à mal par les Birmans, pour que la cour du Cambodge retrouve quelques fastes. Mais le retour de ANG CHAN et de ses successeurs à Angkor ne sera qu'un feu de paille...
Entre temps le bouddhisme theravadin, religion officielle du royaume d'Ayuthia, sera devenu LA religion, imposant définitivement ses concepts moraux et culturels, absorbant sans complexe le vieux fonds animo-brahmaniste qui reste propre au Cambodge.
Cette évolution religieuse mit quelques siècles à s'imposer mais elle ruina la civilisation angkorienne tant sur le plan politique qu'artistique : Bouddha devint l'inspiration et la contrainte exclusives. La décoration, peinture ou sculpture, et les beaux-arts en général, n'auront plus qu'une seule vocation : être des offrandes au Bouddha afin de gagner des mérites pour la vie future. Les commandes artistiques ne sont plus l'apanage de la cour et du clergé mais le fait des laïcs désireux de se sanctifier.
L'époque du temple-symbole, inaccessible aux fidèles
est révolue. Il faut des salles où des assemblées puissent
se réunir pour écouter la parole
et vénérer l'image du Bouddha.
Faute de savoir construire des grandes pièces en pierre,
ces salles sont bâties en bois et matériaux légers
suivant un plan-type qui n'a pas varié jusqu'à nos
jours.
La pierre à bâtir - qui a toujours été travaillée
avec des techniques de charpentier- est
abandonnée au profit du bois. En matière de sculptures,
le bois laqué, enduit, peint et repeint, les assemblages couverts de stuc et puis,
plus tard et aujourd'hui, le ciment, feront l'essentiel de la production.
Or, tout ce qui a trait au Bouddha est codifié dans
le moindre détail par les textes (Lalitavistara et Mahavyutpatti) et
la tradition pour ce qui est de l'habillement et des attitudes.
Ainsi les représentations du Bouddha, peintures ou sculptures,
doivent respecter quelques trente deux signes distinctifs. Citons
:
Un texte de 1544 détaille quelques 143 règles impératives de proportions pour
le seul traitement du visage du Bouddha... ce qui est
amplement suffisant pour assécher toute imagination artistique et
technique locales
Il se trouve de plus que l'inspiration siamoise, elle même
fondée sur les techniques et le savoir-faire de l'ancien
royaume d'Angkor, puis plus tard et dans une moindre mesure,
l'expression artistique vietnamienne, supplanteront totalement
toute expression autochtone.
Très vite ce seront
les modèles de Bouddha siamois qui seront recopiés,
tant dans leurs poses que dans leurs expressions.