La religion et le Cambodge

"Tamm tè Kamm " " Qu'il soit fait selon ton Karma! "

Jérôme ROUER, juin 96, mai 97


Sans la religion le Cambodge n'existerait plus depuis longtemps.

Trois religions, l'animisme, le brahmanisme et le bouddhisme, se sont mariées harmonieusement, se sont même renforcés mutuellement, pour aider le Khmer à vivre en harmonie avec le cosmos, le cycle des saisons, les forces de la nature.
L'animisme lui permet d'expliquer et d'organiser sa vie en ce bas-monde,
Le bouddhisme l'aide à espérer en un monde futur meilleur,
Le brahmanisme reste le cadre et le support de certains rituels.

Le bouddhisme khmer fut et est encore la base et le ciment de la société khmère. La pagode est le seul lieu de brassage de la population masculine, le seul centre d'enseignement, le seul conservatoire de traditions et de textes, le seul centre de diffusion d'une culture commune... Etre Khmer, c'est être bouddhiste et sans le bouddhisme le Cambodge n'existerait pas.

Pour mémoire, un culte d'origine brahmaniste angkorien, le culte des BAKU est conservé au Palais pour l'exercice des cérémonies royales, la détermination des "bonnes" dates, l'interprétation des présages, tirer les horoscopes. (Il en est de même à la cour de Thaïlande).
A noter cependant qu'au Cambodge, deux baku seulement ont survécu aux événements..." Les baku actuels ne sont plus les dépositaires jaloux d'aucun secret et leurs rituels sont devenus misérables. L'oubli, l'éloignement des sources et la violence des événements ont abouti, au cours des siècles, à un simulacre presque complet. [...] Gardiens dans l'imaginaire des Khmers, du trésor des dieux les plus anciennement honorés dans le royaume, les baku n'ont conservé aujourd'hui sur leur autel qu'une collection de statues de mauvaise facture, presque toutes modernes et d'origine siamoise..." (O.de Bernon)


1- Les bouddhismes.

Il convient de noter que le Bouddhisme est la seule religion qui se soit propagée uniquement par la prédication et la persuasion, sans avoir à faire usage des armes...
Mais il s'agit plus d'une morale que d'une religion.

Le Bouddha "l'homme qui a connu l'Illumination" est une appellation génèrique qui recouvre de nombreux saints hommes. Mais, en général, ce terme fait référence à Gautama Siddarta qui serait né vers 543 avant Jésus Christ en Inde (époque de Confucius en Chine et cent ans avant Socrate).

Résumé de la vie du Bouddha (Pour plus de détails, lire la vie du Bouddha)

Le prince Siddarta, connu aussi sous le nom de Cakya-Mouni, le Solitaire, était le chef de la tribu des Cakyas. Une prédiction ayant annoncé qu'il serait le futur Bouddha, son père lui fit mener une vie de luxe dans son palais puis le maria pour le détourner de sa vocation. Une série de rencontres (un vieillard, un malade, un mort et un moine) lui donnèrent la révélation de l'humanité. Une nuit, aidé par les dieux, il s'enfuit, abandonnant femme, enfants et richesses. (Le Grand Départ). Il devint un saint homme pratiquant d'abord l'ascèse, puis tout simplement la méditation. C'est alors qu'il se fit attaquer par le démon Mara qui essaya même de le séduire par la grâce de ses trois filles... En vain. Il atteignit l'illumination, et enseigna "la voie du milieu" pendant 44 ans, convertissant les foules jusqu'à sa mort.

Comme le Christ, le Bouddha n'a pas laissé d'écrit.

L'intuition religieuse du Bouddha est que tout ici-bas n'est que souffrance; or la souffrance est une conséquence obligatoire du désir, de l'ignorance et de la haine. Vivre c'est désirer, c'est donc souffrir.
Pour bien vivre l'homme doit s'efforcer d'annihiler tout désir, devenir maître de lui, pratiquer la douceur et la bienveillance vis à vis d'autrui. Détachement et renoncement sont les valeurs suprêmes, mais il faudra plusieurs existences pour atteindre l'état de repos parfait, le Nirvana.

La doctrine bouddhique consiste à reconnaître l'éminente valeur de trois "Joyaux" qui sont trois "refuges" : le Bouddha, son dharma (ou sa Loi, exprimée dans le Tripitaka) et la sangha (la communauté bouddhique). Mais elle conserve aussi les vielles théories indiennes de la transmigration (Samsara) et du Karma.

La doctrine du "Karma", qui provient de l'hindouisme, a été intégrée au Bouddhisme : toute action produit un effet, bon ou mauvais, une charge de mérites ou de "démérites" qui affecte l'énergie vitale composant l'intime de chacun. Comme chacun se réincarne en vie successives jusqu'à la purification totale, notre vie présente porte l'héritage des générations passées. Nous sommes à la fois ceux qui nous ont précédés et à la fois différents, avec la possibilité de modifier notre charge kharmique. L'homme paye dans sa vie actuelle les actes de ses vies antérieures; toutes peines et malheurs sont le résultat de fautes antérieures, dans son existence actuelle et dans ses vies précédentes.

Petit et Grand Véhicule vers le salut

La différence essentielle entre les deux doctrines est que le Petit Véhicule considère le Bouddha comme un homme et que le Grand Véhicule divinise le Bouddha.

Depuis le XVI ème siècle le Bouddhisme khmer est un Bouddhisme Theravadin mâtiné de quelques dieux du panthéon brahmanique qui, semble-t-il, ont laissé une frayeur particulière et tenace auprès des populations. Au cours des temps, les moines ont su aussi intégrer les Neak ta dont tout Khmer respecte les pouvoirs surnaturels.

Dans le Bouddhisme khmer , basé sur la conception du salut personnel, c'est par la seule force de son exemple que le bonze agira pour la communauté. Le laïc participe, en quelque sorte, au perfectionnement des religieux et s'acquerra des mérites par ses dons - aumônes de nourriture, de vêtements, construction et entretien des pagodes - et, en écoutant les récitations que font les moines, il pourra élever son esprit et connaître la voie du salut.

Le religieux opérant pour lui seul, nul prêtre n'existe pour guider les fidèles et ce sont des laïcs, les ACHAR, et non les moines, qui animent la vie religieuse. Chaque pagode possède son achar.

Rôle de l'achar :
Indiquer les gestes rituels,
Entonner les prières que doivent dire les fidèles,
Officier dans les cérémonies et accomplir les rituels (les bonzes restent à l'écart)
Servir d'intermédiaire entre le peuple et les nombreuses divinités (non bouddhistes) de la nature et les esprits.
Prédire et lire les horoscopes,
Décider des offrandes.


2- L'animisme ou le culte des neak ta, les génies protecteurs du territoire.

Le Khmer possède plusieurs panthéons de divinités. Toutes ces divinités vivent en bonne harmonie, si ce n'est en symbiose avec le Bouddhisme. Citons:

- Les représentations des éléments : eau, sol, soleil, lune...
- Dieux et déesses du panthéon indien : Indra, Vishnou, Civa, Ganeça...
- Les animaux naturels ou mythiques : crocodile, serpent, taureau, naga, garuda, yaksa...
- Les esprits en général,
- les neak ta

Villages et zones cultivées sont placés sous la protection de divinités, en général l'homme ou le couple fondateur, appelé "neak ta" qui veille à la santé et à la prospérité du territoire. Respectés en tous temps, les Neak ta sont particulièrement honorés lorsqu'il y a sécheresse ou épidémie. Le culte commun des Neak ta est resté très présent jusqu'aux années 1970. Aujourd'hui il relève plutôt de croyances individuelles aux génies et à la magie...