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L'agriculture, les accouchements, Angkor Thom, l' armée, le commerce, les esclaves, les fêtes, la flore, les fonctionnaires, les habitants, les habitations, l' hygiéne, les jeunes filles (défloration), la justice, le langage et écriture, les religions, les rites mortuaires, la santé, les vêtements, les ustensiles. |
Note de Cambodge-Contact :
Cet ouvrage contient aussi de très nombreux commentaires
et explications (100 pages) de Paul Pelliot.
Ecrit vers 1300 (Tcheou était au Cambodge en 1296), l'ouvrage
original a été perdu mais il avait éte partiellement
recopié dans des annales chinoises de 1380 qui existent encore.
Une grande partie du texte originel est donc perdue à jamais.
Le Tchen-la est aussi appelé Tchan-la. Le nom indigène
est Kan-po Tche. La dynastie actuelle, se basant sur les livres
religieux tibétains, appelle ce pays kan-p'ou-tche( (Kamboja),
ce qui est phonétiquement proche de Kan-po-tche.
En s'embarquant
à Wen-Tcheou( au Tchö-kiang), et en allant Sud Sud-Ouest,
on passe les ports des préfectures du Fou-kien, du Kouang-tong
et d'outre-mer, on franchi la mer des Sept-Iles (Ts'i-tcheou,
Iles Taya), on traverse la mer d'Annam, et on arrive au Champa
( à sin-tcheou, Quinon). Puis, du Champa , par bon vent,
en quinze jours environ, on arrive à Tchen-p'ou (région
Cap Saint-Jacques ou Baria) : c'est la frontière du Cambodge.
Puis, de Tchen-p'ou, en se dirigeant Sud-ouest-1/6 Ouest, on franchit
la mer de K'ouen-louen (= de Poulo-Condor) et on entre dans les
bouches. De ces bouches il y en a plusieurs dizaines, mais on ne
peut pénétrer que par la quatrième: toutes
les autres sont encombrées de bancs de sable que ne peuvent
franchir les gros navires. Mais, de quelque côté
qu'on regarde, ce ne sont que longs rotins, vieux arbres, sables
jaunes, roseaux blancs ; au premier coup d'oeil il n'est pas facile
de s'y reconnaître; aussi les marins considèrent-ils
comme délicate la découverte même de la bouche.
De l'embouchure, par courant favorable, on gagne au Nord, en quinze
jours environ, un pays appelé Tch'a-nan,(Kômpon
Chnan), qui est une des provinces du Cambodge. Puis à Tché-nan
on transborde sur un bateau plus petit et , en un peu plus de dix
jours, par courant favorable, en passant par le village de la
mi-route et le Village du Bouddha (probablement Pôsat) et
en traversant la Mer d'eau douce, on peut atteindre un lieu appelé
Kan-p'ang (=kômpon, <Quai>, ) à cinquante stades
de la ville murée.
Selon la Description des Barbares
(le Tchou-fan tche, paru en 1225), Le royaume a 7000 stades de
largeur. Au Nord de ce royaume, on arrive au Champa en quinze
jours de route; vers le Sud-Ouest, on est à quinze jours
d'étapes du Siam; au Sud, on est à dix jours d'étapes
de P'an-vu(?); à l'est, c'est l'Océan.
Ce pays a
ôté depuis longtemps en relations commerciales avec
nous. Quand la dynastie sainte(= la dynastie mongole) reçut
l'auguste mandat du Ciel et étendit son pouvoir sur les
quatre mers, et que le généralissime Sôtu
eut créé (en 1281) l'administration du Champa, il
envoya une fois, pour se rendre ensemble jusqu'en ce pays-ci,
un centurion avec insigne au tigre et un chiliarque à tablette
d'or, mais tous deux furent saisis et ne revinrent pas. A la sixième
lune de l'année yi-wei de la période yuan-tcheng
(14 juillet -11août 1295), le saint Fils du Ciel envoya
un ambassadeur rappeller [les gens de ce pays] au devoir, et me
désigna pour l'accompagner.
La deuxième lune de l'année suivante ping-chen (5
mars-2 avril 1296) nous quittions Ming-tcheou (=Ning-po), et le
vingt (24 mars 1296). Nous obtîmes l'hommage et retournâmes
à notre navire la sixième lune de l'an Ting-yeou
de la période ta-tö (21 juin -20 juillet 1927). Le
douze de la huitième lune ( 30 août 1297), nous mouillions
à Sseu-ming (Nong-po). Sans doute les coutumes et les choses
de ce pays n'ont pu nous être connues dans tous leurs détails;
du moins avons-nous été en mesure d'en discerner
les traits principaux.
La muraille de la ville a environ vingt
stades de tour. Elle a cinq portes, et chaque porte est double.
Du côté de l'Est s'ouvrent deux portes; les autres
côtés n'ont tous qu'une porte. A l'extérieur
de la muraille est un grand fossé; à l'extérieur
du fossé, les grands ponts des chaussées d'accès.
La tour de pierre est à un demi-stade en dehors de la porte
du Sud ; on raconte que Lou Pan (ancien artisan chinois légendaire)
l'érigea en une nuit. La tombe de Lou Pan (= Angkor vat)
est à environ un stade en dehors de la porte du Sud et
a à peu près dix stades de tour ; il y a plusieurs
centaines de chambres de pierre.
Le Lac oriental est à environ dix stades à l'Est
(= erreur probable, lire le lac occidental) de la ville murée,
et à peu près cent stades de tour. Au milieu il
ya une tour de pierre et des chambres de pierre (= le Mébon
Occidental). Dans la tour est un Bouddha couché en bronze,
dont le nombril laisse continuellement couler de l'eau
(photo).
Le lac septentrional est à cinq stades au Nord de la ville
murée. Au milieu il y a une tour d'or carrée (= Neak
Pean) et plusieurs dizaines de chambres de pierre. Pour ce qui
est du lion d'or, Bouddha d'or, éléphant de bronze,
beuf de bronze, cheval de bronze, tout cela s'y trouve.
Le Palais Royal ainsi que les bâtiments officiels et les
demeures nobles font tous face à l'Est.
Linteaux et colonnes sont énormes; sur tous, des Buddha
sont sculptés et peints. Les toits (?) sont imposants. Les
longues vérandas, les corridors couverts s'élancent
et s'enchevêtrent, non sans quelque harmonie. Là
où le souverain règle ses affaires, il y a une fenêtre
en or ; à droite et à gauche du châssis, sur
des piliers carrés, sont des miroirs; il y en a environ
quarante à cinquante, disposés sur les côtés
de la fenêtre. Le bas de la fenêtre est en forme d'éléphants.
J'ai entendu dire qu'à l'intérieur du palais , il y
avait beaucoup d'endroits merveilleux; mais les défenses
sont très sévères, et il m'a été
impossible de les voir.
Pour ce qui est de la Tour d'or à l'intérieur du
palais (le Phiménéakas), le souverain va coucher la nuit à son sommet. Tous
les indigènes prétendent que dans la tour il y a
un génie qui est un serpent à neuf têtes,
maître du sol de tout le royaume. Ce génie apparaît
toutes les nuits sous la forme d'une femme. C'est avec lui que
le souverain couche d'abord et s'unit. Même les épouses
du roi n'oseraient entrer . Le roi sort à la deuxième
veille et peut alors dormir avec ses épouses et ses concubines.
Si une nuit le génie n'apparaît pas, c'est que le
moment de la mort du roi barbare est venu; si le roi barbare manque
une seule nuit à venir, il arrive sûrement un malheur.
Les habitations des princes et des grands officiers ont une tout
autre disposition et d'autres dimensions que les maisons du peuple
Le commun du peuple ne couvre qu'en chaume, et n'oserait mettre
sur sa demeure le moindre morceau de tuile. Les dimensions dépendent
de la fortune de chacun, mais jamais le peuple n'oserait imiter
la disposition des maisons nobles.
Tous, à commencer par le souverain, hommes et femmes se
coiffent en chignon et ont les épaules nues. Ils s'entourent
simplement les reins d'un morceau d'étoffe. Quand ils sortent,
ils y ajoutent une bande de grande étoffe qu'ils enroulent
par-dessus la petite. Pour les étoffes, il y a beaucoup
de règles, suivant le rang de chacun; Parmi les étoffes
que porte le souverain, il y en a qui valent trois à quatre
onces d'or ; elles sont d'une richesse et d'une finesse extrêmes.
Seul le prince peut se vêtir d'étoffes à ramages
continus. Il porte un diadème d'or, semblable à
ceux qui sont sur la tête des vajradhara. Parfois il ne
porte pas de diadème et enroule seulement dans son chignon
une guirlande de fleurs odorantes qui rappellent le jasmin. Sur
le cou, il porte environ trois livres de grosses perles. Aux
poignets, aux chevilles et aux doigts, il a des bracelets et des
bagues d'or enchâssant tous des oeils-de-chat. Il va nu-pieds.
La plante de ses pieds et la paume de ses mains sont teintes en
rouge par la drogue rouge. Quand il sort, il tient à la
main une épée d'or.
Dans le peuple, les femmes seules peuvent se teindre la plante
des pieds et la paume des mains; les hommes n'oseraient pas. Les
grands officiers, et les princes peuvent porter de l'étoffe
à groupes de ramages espacés. Les simples mandarins
peuvent seuls porter de l'étoffe à deux groupes de
ramages. Dans le peule les femmes seules y sont autorisées.
Mais même si un Chinois nouvellement arrivé porte
une étoffe à deux groupes de ramages, on n'ose pas
lui en faire un crime parce qu'il est ngan-ting pacha. Ngan-ting
pa-cha, c'est qui ne connaît pas les règles
4. Les fonctionnaires
Dans ce pays aussi, il y a ministres, généraux,
astronomes et autres fonctionnaires, et, au-dessous d'eux, toutes
espèces de petits employés ; les noms seuls diffèrent
de nôtres.
Les lettrés sont appelés Pan-k'i; les bonzes sont
appelés tch'ou-kou; les taoïstes sont appelés
passeu-wei.
Pour ce qui est des pan-k'i (pandita,=ici brahmanes), je ne sais
de quel modèle ils se réclament, et ils n'ont rien
qu'on puisse appeler une école ou un lieu d'enseignement.
Il est également difficile de savoir quels livres ils lisent.
J'ai seulement vu qu'ils s'habillent comme le commun des hommes,
à l'exception d'un cordon de fil blanc qu'ils s'attachent
au cou et qui est la marque distinctive des lettrés. Les
pan-k'i qui entrent en charge arrivent à de hautes fonctions.
Le cordon du cou ne se quitte pas de toute la vie.
Les tch'ou-kou (=iamois chao ku, " bonze") se rasent
la tête, portent des vêtements jaunes, se découvrent
l'épaule droite ; pour le bas du corps, ils se nouent une
jupe d'étoffe jaune, et vont nu-pieds. Leurs temples peuvent
être couverts en tuiles. L'intérieur ne contient
qu'une image, tout à fait semblable au Buddha Sakyamuni,
et qu'ils appellent Po-lai (=Prah ). Elle est vêtue de rouge.
Modelée en argile, on la peint en diverses couleurs; il
n'y a pas d'autre image que celle-là. Les Buddha des tours
sont tous différents; ils sont tous fondus en bronze. Il
n'y a ni cloche ni tambours, ni cymbales, ni bannières,
ni dais, et... Les bonzes mangent tous du poisson et de la viande,
mais ne boivent pas de vin. Dans leur offrandes au Buddha, ils
emploient aussi le poisson et la viande. Ils font un repas par
jour, qu'ils vont prendre dans la famille d'un donateur ; dans les
temples , il n'y a pas de cuisines. Les livres saints qu'ils récitent
sont très nombreux; tous se composent de feuilles de palmier
entassées très régulièrement. Sur
ces feuilles, les bonzes écrivent des caractères
noirs, mais comme il n'emploient ni pinceau ni encre, je ne sais
avec quoi ils écrivent. Certains bonzes ont aussi droit
au brancard de palanquin et au manche de parasol en or ou en argent ;
le roi les consulte dans les affaires graves. Il n'y a pas de
nonnes bouddhistes.
Les Pa-sseu-wei [ tapasvi] s'habillent absolument comme le commun
des hommes, sauf que sur la tête ils portent une étoffe
rouge ou une étoffe blanche, à la façon du
Kou-kou (? Kükül) des dames mongoles, mais un peu plus
bas. Ils ont aussi des monastères, mais plus petits que
les temples bouddhistes; c'est que les taoïstes n'arrivent
pas à la prospérité de la religion des bonzes.
Ils ne rendent de culte à aucune autre image qu'un bloc
de pierre (= le linga) analogue à la pierre de l'autel
du dieu du sol en Chine. Pour eux non plus je ne sais de quel modèle
ils se réclament. Il y a des nonnes taoïstes. Les
temples taoïques peuvent être couverts en tuiles. Les
pa-sseu-wei ne partagent par la nourriture d'autrui, ni ne mangent
en public. Ils ne boivent pas non plus de vin. Je n'ai pas été
témoin de leurs récitations de livres saints, ni
de leurs actes méritoires pour autrui.
Ceux des enfants des laïcs qui vont à l'école
s'attachent à des bonzes qui les instruisent . Devenus
grands, ils retournent à la vie laïque. Je n'ai pu
tout examiner en détail.
Les habitants ne connaissent que les coutumes des barbares du
Sud.
Les femmes du commun se coiffent en chignon, mais n'ont ni épingle
de tête ni peigne, ni aucun ornement de tête. Aux
bras elles ont des bracelets d'or, aux doigts des bagues d'or;
même les tch'en-kia-lan et les dames du palais en portent
toutes; Hommes et femmes s'oignent toujours de parfums composés
de santal, de musc et d'autres essences.
Toutes les familles pratiquent le culte du Buddha.
Dans ce pays il y a beaucoup de mignons qui tous les jours vont
en groupe de dix et plus sur la place du marché. Constamment
ils cherchent à attirer les Chinois, contre de riches cadeaux.
C'est hideux, c'est indigne.
Sitôt accouchée, la femme indigène prépare
du riz chaud, le malaxe avec du sel et se l'applique aux parties
sexuelles. Après un jour et une nuit elle l'enlève.
Par là l'accouchement n'a pas de suites fâcheuses,
et il se produit un resserrement qui laisse l'accouchée
comme une jeune fille. Quand je l'entendis dire pour la première
fois, je m'en étonnai et ne le crus guère. Mais,
dans la famille où je logeais, une fille mit au monde un
enfant, et je pus ainsi me renseigner complètement : le
lendemain, portant son enfant dans les bras, elle allait avec
lui se baigner dans le fleuve; c'est réellement extraordinaire.
Toutes les personnes que j'ai vues disent en outre que les femmes
indigènes sont très lascives. Un ou deux jours après
l'accouchement, elles s'unissent à leur mari. Si le mari
ne répond pas à leurs désirs, il est abandonné
comme [|Tchou] Mai-tch'en (mort en 116 av.J.-C.). Si le mari se trouve
appelé par quelque affaire lointaine, cela va bien pour
quelques nuits. Mais, passé une dizaine de nuits, sa femme
ne manque pas de dire: "Je ne suis pas un esprit ; comment
pourrais-je dormir seule?" Leurs instincts licencieux sont
très ardents; toutefois j'ai aussi entendu dire que certaines
gardaient leur foi; Les femmes vieillissent très vite,
sans doute à cause de leur mariage et de leurs accouchements
trop précoces. A vingt ou trente ans, elles ressemblent
à des Chinoises de quarante ou cinquante.
Quand dans une famille il naît une fille, le père
et la mère ne manquent pas d'émettre pour elle ce
voeu : "Puisses-tu d'ans l'avenir devenir la femme de cent et de
mille maris!"
Quand au mariage, bien que la coutume existe de faire les présents
d'étoffes, c'est là une formalité sans importance.
Beaucoup ont d'abord des rapports illicites avec celle qu'ils
épousent ensuite; leurs coutumes n'ont font pas un sujet
de honte, non plus que l'étonnement.
Comme esclave, on achète des sauvages qui font ce service.
Ce pays a une langue spéciale.
D'une façon générale, ces gens renversent
l'ordre des mots. En outre, les mandarins ont leur style mandarinal de délibérations;
les lettrés ont leurs conversations soignées de
lettrés ; les bonzes et les taoïstes ont leur langage
de bonzes et de taoïstes ; les parlers des villes et des villages
différent. C'est absolument le même cas qu'en Chine.
Les écrits ordinaires tout comme les documents officiels
s'écrivent toujours sur des peaux de cerfs ou daims et
matériaux analogues, qu'on teint en noir. Suivant leurs
dimensions en long et en large, chacun les coupe à sa fantaisie.
Les gens emploient une sorte de poudre qui ressemble à
la craie de Chine, et la façonnent en bâtonnets appelés
so (siamois=sô)
Tenant en main le bâtonnet, ils écrivent sur les
morceaux de peaux des caractères qui ne s'effacent pas.
Quand ils ont fini, ils se placent le bâtonnet sur l'oreille.
Les caractères permettent chez eux aussi de reconnaître
qui a écrit. Si on frotte sur quelque chose d'humide, ils
s'effacent. En gros, les caractères ressemblent absolument
à ceux des Ouigoours. Tous les documents s'écrivent
de gauche à droite et non pas de haut en bas. J'ai entendu
dire à Asän-qaya que leurs lettres se prononçaient
presque absolument comme celles des Mongols; deux ou trois seulement
ne concordent pas. Ils n'ont aucun sceau. Pour les pétitions,
il y a aussi des boutiques d'écrivains où on les
écrit.
Ces gens font toujours de la dixième lune chinoise leur
premier mois. Ce mois-là s'appelle Kia-tö (katik<
skr. Karttika).
Chaque mois il y a une fête. Au quatrième mois "on
jette la balle".
Dans ce pays, il y a comme chez nous de gens qui entendent l'astronomie
et peuvent calculer les éclipses du soleil et de la lune.
Mais pour les mois longs et courts ils ont un système très
différent du nôtre. Aux années, eux aussi
sont obligés d'avoir un mois intercalaire, mais ils n'intercalent
que le neuvième mois, ce que je ne comprends pas du tout.
1. La ville murée. (Angkor Thom)
De chaque côté des ponts, il y a cinquante-quatre
divinités de pierre qui ont l'apparence de "généraux
de pierre" : ils sont gigantesques et terribles. Les cinq
portes sont semblables.
Les parapets des ponts sont entièrement
en pierre, taillée en forme de serpents qui ont tous neuf
têtes. Les cinquante-quatre divinités retiennent toutes
le serpent avec leurs mains, et ont l'air de l'empêcher
de fuir.
Au dessus de chaque porte de la muraille, il y a cinq
grandes têtes de Bouddha en pierre, dont les visages sont
tournés vers les quatre points cardinaux: au centre est
placée une des cinq têtes qui est ornée d'or.
(C-C : Aucune recherche n'a pu confirmer ce point)
Des deux côtés des portes, on a sculpté la
pierre en forme d'éléphants.
La muraille est entièrement
faite de blocs de pierre superposés : elle est
haute d'environ deux toises. L'appareil des pierres est très
serré et solide, et il ne pousse pas d'herbes folles. Il
n'y a aucun créneau.
Sur le rempart, on a semé en
certains endroits des arbres Kouang-lang (arbres à sagou).
De distance en distance sont des chambres vides. Le côté
intérieur de la muraille est comme un glacis large de plus
de dix toises. Au haut de chaque glacis, il y a de grandes portes,
fermées à la nuit, ouvertes au matin. Il y a également
des gardiens des portes. L'entrée des portes n'est interdite
qu'aux chiens. La muraille est un carré très régulier,
et sur chaque côté il y a une tour de pierre. L'entrée
des portes est également interdite aux criminels qui ont
eu les orteils coupés.
Au centre du royaume, il y a une
Tour d'or (Bayon), flanquée de plus de vingt tours de pierre
et de plusieurs centaines de chambres de pierre. Du côté
de l'Est est un pont d'or ; deux lions d'or sont disposés
à gauche et à droite du pont; huit Buddha d'or sont
disposés au bas des chambres de pierre.
A environ un stade
au Nord de la Tour d'or, il y a une tour de bronze (Baphuon)
encore plus haute que la Tour d'or et dont la vue est réellement
impressionnante; au pied de la Tour de bronze, il y a également
plus de dix chambres de pierre.
Encore environ un stade plus au
Nord, c'est l'habitation du souverain. Dans ses appartements de
repos, il y a à nouveau une tour d'or. Ce sont, pensons-nous,
ces monuments qui ont motivé cette louange du "Cambodge
riche et noble" que les marchands d'outre-mer ont toujours
répétée.
2- les habitations
Le palais royal
est au Nord de la Tour d'Or et du Pont d'Or ; proche de la porte (?),
il a environ cinq ou six stades de tour. Les tuiles de l'appartement
principal sont en plomb; sur les autres bâtiments du palais,
ce sont toutes des tuiles d'argile et jaunes.
Tous les bâtiments périphériques sont couverts
de chaume, seuls le temple de famille et l'appartement principal
peuvent être couverts en tuiles. Le rang officiel de chacun
détermine les dimensions des demeures.
3. Les vêtements
Bien que dans le pays même on tisse des étoffes,
il en vient du Siam et du Champa, mais les plus estimées
sont en général celles qui viennent de l'Inde, pour
leur facture habile et fine.
La plupart du temps on choisit des princes pour
les emplois ; sinon, les élus offrent leurs filles comme
concubines royales.
Quand les fonctionnaires sortent, leurs insignes
et leur suite sont réglés par leur rang. Les plus
hauts dignitaires se servent d'un palanquin à brancard
d'or et de quatre parasols à manche d'or; les suivants
ont un palanquin à brancard d'or et un parasol à
manche d'or, enfin simplement un parasol à manche d'or ;
au-dessous on a simplement un parasol à manche d'argent ;
il y en a aussi qui se servent de palanquin à brancard
d'agent.
Les fonctionnaires ayant droit au parasol d'or sont appelés
pa-ting (mraten?) ou ngan-ting (amten); ceux qui ont le parasol
d'argent sont appelés sseu-la-ti( ? sresthin).
Tous les
parasols sont fait de taffetas rouge de Chine, et leur "jupe "
tombe jusqu'à terre. Les parasols huilés
sont tous faits de taffetas vert, et leur "jupe " est
courte.
5. Les trois religions
6. Les habitants
Physiquement ils sont grossiers et laids, et très
noirs. Ce n'est pas le cas seulement(?) de ceux qui habitent les
recoins isolés des îles de la mer, mais pour ceux
mêmes des agglomérations courantes il en est sûrement
ainsi. Quant aux dames du palais et aux femmes des maisons nobles
(nan-p'ong), s'il y en a beaucoup de blanches comme le jade, c'est
parce qu'îles ne voient pas les rayons du soleil.
En général,
les femmes, comme les hommes, ne portent qu'un morceau d'étoffe
qui leur ceint les reins, laissent découverte leur poitrine
d'une blancheur de lait, se font un chignon et vont nu-pieds ;
il en est ainsi même pour les épouses du souverain;
Le souverain a cinq épouses, une de l'appartement principal,
et quatre pour les quatre points cardinaux. Quant aux concubines
et filles du palais, j'ai entendu parler d'un chiffre de trois
mille à cinq mille, qui sont elles aussi divisées
en plusieurs classes; elles franchissent rarement leur seuil.
Pour moi, chaque fois que je pénétrai au palais
pour voir le souverain, celui-ci sortait toujours avec sa première
épouse et s'asseyait dans l'encadrement de la fenêtre
d'or de l'appartement principal. Les dames du palais étaient
toutes rangées en ordre des deux côtés de
la véranda en dessous de la fenêtre, mais changeaient
de place et s'appuyaient [à la fenêtre] pour jeter
un regard [sur nous] ; je pus ainsi les très bien voir.
Quand dans une famille il y a une belle fille, on ne manque pas
à la mander au palais. Au-dessous sont les femmes qui font
le service de va-et-vient pour le palais; on les appelle tch'en'kialan
(seeinka<skr. Srengara); il n'y en a pas moins d'un ou deux
mille. Toutes sont mariées et vivent au milieu du peuple
un peu partout. Mais sur le haut du front elles se rasent les
cheveux à la façon dont les gens du Nord "ouvrent
le chemin de l'eau". Elles marquent cette place de vermillon,
ainsi que les deux côtés des tempes; c'est là
le signe distinctif des tch'en-kialan. Ces femmes peuvent seules
entrer au palais; toutes les personnes au-dessous d'elles ne le
peuvent pas. [Les tch'en-kialan] se succèdent sans interruption
sur les routes en avant et en arrière du palais.
7. Les accouchements
8. Les jeunes filles.
Entre sept et neuf ans pour les filles de maisons
riches, et seulement à onze ans pour les très pauvres,
on charge un prêtre bouddhiste, taoïste de les déflorer.
C'est ce qu'on appelle tchen-t'an.
Chaque année, les autorités
choisissent un jour dans le mois qui correspond à la quatrième
lune chinoise, et le font savoir dans tout le pays. Toute famille
où une fille doit subir le tchen-t'an en avertit d'avance
les autorités, et les autorités lui remettent d'avance
un cierge auquel on a fait une marque. Au jour dit, quand la nuit
tombe, on allume le cierge et, quand il a brûlé jusqu'à
la marque, le moment du tchen-t'a est venu.
Un mois avant la date
fixée, ou quinze jours, ou dix jours, le père et
la mère choisissent un prêtre bouddhiste ou taoïste,
suivant le lieu où ils habitent. Le plus souvent, temples
bouddhiques et taoïques ont aussi chacun leur clientèle
propre.
Les bonzes excellents qui suivent la voie supérieure
sont tous pris à l'avance par les familles mandarinales
et les maisons riches; quant aux pauvres, ils n'ont même
pas le loisir du choix.
Les familles mandarinales ou riches font
au prêtre des cadeaux en vin, riz, soieries, arec, objets
d'argent, qui atteignent jusqu'à cent piculs, et valent
de deux à trois cents onces d'argent chinois. Les cadeaux
moindres ont de tentre à quarante, ou de dix à vingt
piculs; c'est suivant la fortune des gens.
Si les filles pauvres
arrivent jusqu'à onze ans pour accomplir la cérémonie,
c'est qu'il leur est difficile de pourvoir à tout cela.
Il y a aussi des gens qui donnent de l'argent pour le Tchen-t'an
des filles pauvres, et on appelle cela "faire une bonne
oeuvre". Un bonze ne peut en effet s'approcher que d'une
fille par an, et quand il a consenti à recevoir l'argent,
il ne peut s'engager vis-à -vis d'une autre.
Cette nuit-là
on organise un grand banquet, avec musique. A ce moment, parents
et voisins assemblent en dehors de la porte une estrade élevée
sur laquelle il disposent des hommes et des animaux d'argile, tantôt
plus de dix, tantôt trois ou quatre. Les pauvres n'en mettent
pas. Le tout est d'après des sujets anciens, et ne s'enlève
qu'après sept jours. Le soir venu, avec palanquins, parasols
et musique, on va chercher le prêtre et on le ramène.
Avec des soieries de diverses couleurs on construit deux pavillons ;
dans l'un on fait asseoir la jeune fille; dans l'autre s'assied
le prêtre. On ne peut saisir ce que leur bouche se disent;
le bruit de la musique est assourdissant et cette nuit-là
il n'est pas défendu de troubler la nuit.
J'ai entendu
dire que, le moment venu, le prêtre entre dans l'appartement
de la jeune fille; il la déflore avec la main et recueille
ses prémices dans du vin. On dit aussi que le père
et la mère, les parents et les voisins s'en marquent tous
le front, ou encore qu'ils les goûtent. D'aucuns prétendent
aussi que le prêtre s'unit réellement à la
jeune fille; d'autres le nient. Comme on ne permet pas aux Chinois
d'être témoins de ces choses, on ne peut savoir l'exacte
vérité.
Quand le jour va poindre, on reconduit le
prêtre avec palanquins, parasols et musique.
Il faut ensuite
racheter la jeune fille au prêtre par des présents
d'étoffes et de soieries; Sinon elle serait à jamais
sa propriété et ne pourrait épouser personne
d'autre.
Ce que j'ai vu s'est passé la sixième nuit
de quatrième lune de l'année Ting-yeou de la période
ta-työ (28 avril 1297).
Avant cette cérémonie,
le père, mère et filles dormaient dans une même
pièce; désormais, la fille est exclue de l'appartement
et va où elle veut, sans plus de contrainte ni de surveillance.
La nuit du Tche-t'an
il y a parfois dans une seule rue plus de dix familles qui accomplissent
la cérémonie; dans la ville, ceux qui vont au-devant
des bonzes ou des taoïstes se croisent par les rues, il n'est
pas d'endroit où l'on n'entende les sons de la musique.
9. Les esclaves
Ceux qui en ont beaucoup en ont plus de cent; ceux qui en ont
peu en ont de dix à vingt; seuls les très pauvres
n'en ont pas du tout.
Les sauvages sont des hommes des solitudes
montagneuses. Ils forment une race à part qu'on appelle
les brigands "Tchouang" (les Tchong). Amenés
dans la ville, ils n'osent pas aller et venir hors des maisons.
En ville, si autour d'une dispute on appelle son adversaire "tchouang",
il sent la haine lui entrer jusqu'à la
moelle des os, tant ces gens sont méprisés des autres
hommes.
Jeunes et forts, ils valent la pièce une centaine
de bandes d'étoffe ; vieux et faibles, on peut les avoir
pour trente à quarante bandes.
Ils ne peuvent s'asseoir
et se coucher que sous l'étage. Pour le service ils peuvent
monter à l'étage, mais alors ils doivent s'agenouiller,
joindre les mains, se prosterner ; après cela seulement
ils peuvent s'avancer.
Ils appellent leur maître Pa-t'o
(patau) et leur maîtresse mi (mi, mé); pa-t'o signifie
père, et mi mère.
S'ils ont commis une faute et
qu'on les batte, ils courbent la tête et reçoivent
la bastonnade sans oser faire le moindre mouvement.
Mâles
et femelles s'accouplent entre eux, mais jamais le maître
ne voudrait avoir de relations sexuelles avec eux. Si d'aventure
un Chinois arrivé là-bas, et après son long
célibat, a par mégarde une fois commerce avec quelqu'une
de ces femmes et que la maître l'apprenne, celui-ci refuse
le jour suivant de s'asseoir avec lui, parce qu'il a eu commerce
avec une sauvage. Si l'une d'elles devient enceinte des oeuvres
de quelqu'un d'étranger à la maison et met au monde
un enfant, le maître ne s'inquiète pas de savoir
qui est le père, puisque la mère n'a pas de rang
civil et que lui-même a profit à ce qu'il ait des
enfants; ce sont encore des esclaves pour l'avenir.
Si des esclaves
s'enfuient et qu'on les reprenne, on les marque en bleu au visage;
ou bien on leur met un collier de fer au cou pour les retenir;
d'autres portent ces fers au bras ou aux jambes.
10. Le langage.
Bien que les sons soient
voisins des leurs, les gens du Champa et du Siam ne le comprennent
pas.
Un se dit mei (muï); deux, pie (pi); tois pei (baï);
quatre, pan (boun); cinq; po-lan (pram) ; six po-lan-mei ( pram
muï) ; sept, po-lan -pie (pram pir) ; huit, prolan-pei; (pram
bei); neuf, p-lan -pan (pram buon); dix, ta (dop);
père,
pa-t'o (patau); oncle paternel aussi pa-t'o; mère, mi (mi,mé);
tante paternelle ou maternelle et jusqu'aux voisines d'âge
respectable; au mi; frère aîné, pang (ban)
; soeur aînée, également pang; frère
cadet, pou-wen (phaon); oncle maternel, k'i-lai (khlai): mari
de la tante paternelle aussi k'i-lai.
Ainsi, là où nous disons: cet
homme-ci est de Tchan san le frère cadet, ils diront <<
pou-wen Tchang San>>: cet homme-là est de Li Sseu
l'oncle maternel, ils diront <<Pei-che>>: un mandarin,
pa-ting; un lettré, pan-k'i. Or, pour dire << un
mandarin chinois>>, ils ne diront pas pei-che pa-ting, mais
pa-ting pei-che; pour dire <<un lettré chinois>>
ils ne diront pas pei-che pan-k'i, mais pan k'i pei-che; il en
est ainsi généralement; Voilà les grandes
lignes.
11. L'écriture
13. Le jour de l'an et les saisons
En avant du palais royal, on assemble une grande
estrade pouvant contenir plus de mille personnes, et on la garnit
entièrement de lanternes et de fleurs; En face, à
une distance de vingt toises, au moyen de [pièces de] bois
mises bout à bout, on assemble une haute estrade, de même
forme que les échafaudages pour la construction des stupa,
et haute de plus de vingt toises. Chaque nuit on en construit
trois ou quatre, ou cinq ou six. Au sommet on place des fusées
et des pétards. Ces dépenses sont supportées
par les provinces et les maisons nobles. La nuit tombée,
on prie le souverain de venir assister au spectacle. On fait partir
les fusées et on allume les pétards. Les fusées
se voient à plus de cent stades; les pétards sont
gros comme des pierriers, et leur explosion ébranle toute
la ville.
Mandarins et nobles contribuent avec des cierges et
de l'arec: leurs dépenses sont considérables. Le
souverain invite aussi au spectacle les ambassadeurs étrangers.
Il en est ainsi pendant quinze jours, et puis tout cesse.
Au neuvième, c'est le ya-lie (rap
riep, "énumérer, recenser" : le ya-lie
consiste à rassembler dans la ville la population de tout
le royaume et à la passer en revue devant le palais royal.
Le cinquième mois, on va "chercher l'eau des bouddha" ; on
rassemble les Bouddha de tous les points du royaume, on apporte
de l'eau(?) et, en compagnie du souverain, on les lave(?).
[le sixième mois?] on fait naviguer les bateaux sur la terre
ferme : le prince monte à un belvédère pour
assister à la fête.
Au septième mois, on brûle
le riz. A ce moment le nouveau riz est mur; on va le chercher
en dehors de la porte du Sud , et on le brûle comme offrande
au bouddha. D'innombrables femmes vont en char ou à éléphant
assister à cette cérémonie, mais le souverain
reste chez lui.
Le huitième mois, il y a le ngai-lan; ngai-lan(ram)
c'est danser. On désigne des acteurs et musiciens qui chaque
jour viennent au palais royal faire le ngai-lan; il y a en outre
des combats de porcs et d'éléphants. Le souverain
invite également les ambassadeurs étrangers à
y assister. Il en est ainsi pendant dix jours. Je ne suis pas
en mesure de rappeler exactement ce qui concerne les autres mois.
Chaque nuit se divise en cinq (?) veilles seulement.
Sept jours
font un cycle; c'est analogue à ce qu'on appelle en Chine
K'i pi kien tch'ou.
Comme ces barbares n'ont "ni nom de famille,
ni nom personnel", ils ne tiennent pas compte du jour de
leur naissance, on fait pour beaucoup d'entre eux un "nom
personnel" avec le jour [de la semaine] où ils sont
nés.
Il y a deux jours de la semaine très fastes,
trois jours indifférents, deux jours tout à fait
néfastes. Tel jour on peut aller vers l'Est, tel jour on
peut aller vers l'Ouest. Même les femmes savent faire ces
calculs.
Les douze animaux du cycle correspondent également
à ceux de Chine, mais les noms sont diffèrents. C'est
ainsi que le cheval est appelé pou-si (sèh); le
nom du coq esy man (ma¨n); le nom du porc est che-lou (cruk);
le boeuf est appelé ko (ko),etc.
.... Suite...