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Suite de la traduction de Paul Peilliot, édition de 1951, Librairie
d'Amérique et d'Orient :
14. La justice
Les contestation du peuple, même insignifiantes, vont toujours
jusqu'au souverain.
Quand des gens saisissent un voleur, on peut lui appliquer le
châtiment de l'emprisonnement et de la mise à la
question.
En outre, soit le cas où deux hommes sont en contestation
sans qu'on sache qui a tort ou raison; En face du palais royal,
il y a douze petites tours de pierre. On fait asseoir chacun des
deux hommes dans une tour, et les deux hommes sont surveillés,
l'un l'autre par leur parenté. Ils restent un ou deux jours,
ou bien trois ou quatre jours. Quand ils sortent, celui qui a
tort ne manque pas d'avoir attrapé quelque maladie; soit
qu'il lui vienne des ulcères, ou qu'il attrape catarrhe
ou fièvre maligne. Celui qui a raison n'a pas la moindre
chose. Ils décident ainsi du juste ou de l'injuste; c'est
ce qu'ils appellent le "jugement céleste". Telle
est la puissance surnaturelle du dieu du pays.
Les gens de ce pays guérissent spontanément beaucoup
de leurs maladies courantes en allant se plonge dans l'eau et
en se lavant la tête de façon répétée.
Toutefois il y a beaucoup de lépreux de distance en distance
sur les routes. Même quand ceux-ci[viennent] coucher avec
eux, manger avec eux, les indigènes ne s'y opposent pas.
D'aucuns disent que c'est là une maladie due aux conditions
climatiques du pays. Il y a eu un souverain qui a attrapé
cette maladie ; c'est pourquoi les gens ne la considèrent
pas avec mépris. A mon humble avis, on attrape en règle
générale cette maladie si, immédiatement après
la jouissance sexuelle, on entre dans l'eau pour se baigner ; et
j'ai entendu dire que les indigènes, à peine leurs
désirs satisfaits, entrent toujours dans l'eau pour se
baigner. De leurs dysentériques, il meurt huit à
neuf sur dix. On vend comme chez nous des drogues sur le marché,
mais très différentes de celles de Chine, et que
je ne connais pas du tout. Il y a aussi une espèce de sorciers
qui exercent leurs pratiques sur les gens; c'est tout à
fait ridicule.
Pour les morts, il n'y a pas de cercueils; on ne se sert que
d'espèces de nattes, et on les recouvre d'une étoffe.
Dans le cortège funéraire, ces gens aussi emploient
en tête drapeaux, bannières et musique. En outre
ils prennent deux plateaux de riz grillé et le jettent
à la volée au alentours de la route. Ils portent
le corps hors de la ville, jusqu'en quelque endroit écarté
et inhabité, l'abandonnent et s'en vont. Ils attendent
que les vautours, les chiens et autres animaux le viennent dévorer.
En général, on peut faire trois à quatre
récoltes par an ; c'est que toute l'année ressemble
à nos cinquième et sixième lunes et qu'on
ne connaît ni givre ni neige.
Les cultivateurs tiennent compte du temps où le riz est
mûr et des endroits où la crue peut atteindre à
ce moment-là, et sèment en conséquence selon
les lieux.
Toutefois, pour fumer les champs et cultiver les légumes,
ces gens ne font aucun usage de fumier, qui leur répugne
comme impur.
Depuis l'entrée de Tchen-p'ou, ce sont presque partout
les épais fourrés de la forêt basse ; les larges
estuaires du Grand fleuve s'étendent sur les centaines
de stades ; les ombrages profonds des vieux arbres et des longs
rotins font des couverts luxuriants. Les cris des oiseaux et des
animaux s'y croisent partout. Arrivé à mi-route
dans l'estuaire, on aperçoit pour la première fois
la campagne inculte, sans un pouce de bois. Aussi loin qu'on regarde,
ce n'est que millet [sauvage] abondant. Par centaines et par milliers,
les buffles sauvages s'assemblent en troupes dans cette région.
Il y a ensuite des pentes couvertes de bambou qui s'étendent
elles aussi sur plusieurs centaines de stades. Aux noeuds de ces
bambous, il pousse des épines, et les pousses ont un gout
très amer. Des quatre cotés, il y a des hautes
montagnes.
Dans les montagnes, il y a beaucoup de bois rares. Les endroits
où il n'y a pas de bois sont ceux où rhinocéros
et éléphants s'assemblent et se reproduisent. Les
oiseaux précieux, les animaux étranges sont innombrables;
Les produits de valeur sont les plumes de martin-pêcheur,
les défenses d'éléphant, les cornes de rhinocéros,
la cire d'abeille. Comme produits ordinaires, il y a le laka-wood,
le cardamome, la gomme-gutte, la gomme-laque, l'huile de chaulmoogra.
Le martin-pêcheur est fort difficile à prendre.
Dans les forêts épaisse il y a des étangs,
et dans les étangs des poissons. Le martin-pêcheur
vole hors de la forêt pour chercher des poissons. Le corps
caché sous des feuilles, l'indigène est tapi au
bord de l'eau. Il a dans une cage une femelle comme appât,
et tient à la main un petit filet. Il épié
la venue de l'oiseau, et le prend sous le filet. Certains jours
il en prend trois ou cinq, parfois pas un de toute la journée.
Ce sont les habitants des montagnes reculées qui ont les
défenses d'éléphants. Pour chaque éléphant
mort on a deux défenses. On racontait autrefois que l'éléphant
renouvelait ses défenses une fois par an, mais cela n'est
pas. Les défenses provenant d'un animal tué à
la lance sont les meilleures. Viennent ensuite celles qu'on trouve
peu après que l'animal est mort de mort naturelle. Les
moins estimées sont celles qu'on trouve dans la montagne
bien des années après la mort.
Le cire d'abeille se trouve dans les arbres pourris des villages.
Elle est produite par une espèce d'abeille au corselet
fin comme celui des fourmis. Les indigènes la leur prennent.
Chaque bateau peut en recevoir deux à trois mille rayons;
un gros rayon pèse de trente à quarante livres;
un petit, pas moins de dix-huit à dix-neuf livres.
La corne de rhinocéros blanche et veinée est la
plus estimée; la noire est inférieure.
Le laka-wood vient dans les forêts épaisses. Les
indigènes se donnent beaucoup de mal pour le couper; c'est
que c'est là le coeur d'un arbre, et autour il y a jusqu'à
huit et neuf pouces d'aubier; les petits arbres en ont au moins
quatre à cinq pouces.
Tout le cardamome est cultivé dans la montagne par les
sauvages.
La gomme-gutte est la résine d'un arbre spécial.
Les indigènes incisent l'arbre un an à l'avance,
laissant suinter la résine, et ne la recueillent que l'année
suivante.
La gomme-laque pousse dans les branches d'un arbre spécial,
et a absolument la forme de l'épiphyte du mûrier.
Il est aussi fort difficile de se la procurer.
L'huile de chaulpoogra provient des graines d'un grand arbre.
Le fruit ressemble à un coco, mais est rond: il contient
plusieurs dizaines de graines.
Le poivre se trouve aussi parfois. Il pousse enroulé autour
des rotins, et s'attache comme le l-ts'ao-tseu (houblon?). Celui
qui est frais et vert-bleu est le plus amer.
Dans ce pays ce sont les femmes qui s'entendent au commerce.
D'une façon générale les gens de ce pays
sont extrêmement simples. Quand ils voient un Chinois, ils
lui témoignent beaucoup de crainte respectueuse et l'appellent
"Buddha". En l'apercevant, ils se jettent à
terre et se prosternent. Depuis quelque temps, il y en a aussi
certains qui trompent les Chinois et leur font tort. Cela tient
au grand nombre de ceux qui y sont allés.
Ce pays ne produit, je crois, ni or ni argent; ce qu'on y estime
le plus est l'or et l'argent chinois, et ensuit les soieries bigarrées
légères à double fil. Après quoi viennent
les étains de Tchen-cheou, les plateaux laqués de
Wen-tcheou, les porcelaines vertes (=céladons=) de Ts'iuan-tcheou,
le mercure, le vermillon, le papier, le soufre, le salpêtre,
le santal, la racine d'angélique, le musc, la toile de
chanvre, la toile de houang-ts'ao, les parapluies, les marmites
de fer, les plateaux de cuivre, les perles d'eau douce(?), l'huile
d'abrasin, les nasses de bambou(?), les vans, les peignes de bois,
les aiguilles. Comme produits plus communs et lourds, il y a par
exemple les nattes de Ming-tcheou (Ning-po). Ce que ces gens désirent
vivement obtenir, ce sont des fèves et du blé,
mais l'exportation [de Chine] en est interdite.
Seuls la grenade, la canne à sucre, les fleurs et racines
de lotus, le carambolier, la banane et le coniosélin(?)
sont identiques à ceux de Chine.
Parmi leurs oiseaux, le paon, le martin-pêcheur, le perroquet
n'existent pas en Chine. Pour le reste, ils ont [comme nous] vautours,
corbeaux, aigrettes, moineaux, cormorans, cigognes, grues, canards
sauvages, serins(?), etc...; mais il leur manque la pie, l'oie
sauvage, le loriot, l'engoulevent, l'hirondelle, le pigeon.
Parmi leurs quadrupèdes, le rhinocéros, l'éléphant,
le buffle sauvage et le cheval de montagne n'existe pas en Chine.
Comme légumes, ils ont les oignons, la moutarde, le poireau,
l'aubergine, la pastèque, le citrouille; le concombre,
l'ansérine(?): ils n'ont pas la rave, la laitue, la chicorée,
l'épinard. Dès la première lune on a cucurbitacées
et aubergines; il y a des plants d'aubergines qui ne s'arrachent
pas de plusieurs années. Les arbres à coton peuvent
dépasser en hauteur les maisons ; il y en a qui ne se remplacent
pas pendant plus de dix ans. Beaucoup de légumes existent
dont j'ignore le nom; les légumes aquatiques sont également
très nombreux.
Parmi les poissons et tortues, c'est la carpe noire qui est la
plus abondante ; très nombreux sont ensuite les carpes ordinaires,
les carpes bâtardes, la tanche. Il y des goujons(?), dont
les gros pèsent deux livres et plus. Nombre de poissons
existent dont j'ignore le nom. Tous les poissons ci-dessus viennent
dans le Grand Lac. Quant aux poissons de mer, il y en a de toutes
espèces, des anguilles, des congres de lac(?). Les indigènes
ne mangent pas de grenouilles; aussi à la nuit pullulent
-elles sur les routes. Tortues de mer et alligators(?) se mangent.
Les crevettes de Tch'a-nan pèsent une livre et plus. Les
pattes de tortue de Tche pou ont jusqu'à huit et neuf pouces.
Il y a des crocodiles gros comme des barques, qui ont quatre pattes
et ressemblent tout à fait au dragon, sauf qu'ils n'ont
pas de cornes; leur ventre est très croustillant. Dans
le grand Lac, on peut ramasser à la main bivalves et gastéropodes.
On ne voit pas de crabes; je pense qu'il y en a également,
mais que les gens ne les mangent pas.
Ces gens ont quatre classes de vins.
Dans ce pays, l'exploitation de salines n'est soumise à
aucune restriction. Tout le long de la côte, à partir
de tchen-p'ou et Pa kien, on obtient le sel par cuisson de l'eau
de mer. Dans les montagnes il y a aussi un minéral dont
la saveur l'emporte sur celle du sel; on peut le tailler et en
faire des objets.
Les indigènes ne savent pas faire de vinaigre. S'ils désirent
rendre une sauce acide, ils y ajoutent des feuilles de l'arbre
hien-p'ing (? Ampil). Si l'arbre bourgeonne, ils emploient les
bourgeons; si l'arbre est en graines, ils emploient les graines.
Ils ne savent pas non plus préparer le soy, faute d'orge
et de haricots.
Ils ne fabriquent pas de levure de grains. Quand ils font du
vin avec du miel, de l'eau et des feuilles d'herbe, c'est d'une
mère de vin qu'ils se servent, ressemblant à la
mère de vin blanche de nos villages.
Les indigènes ne s'adonnent pas à [l'élève
des] vers à soie ni à [la culture du] mûrier,
et leurs femmes n'entendent également rien aux travaux
de l'aiguille et du fil, de la couture et du reprisage.
Les gens ordinaires ont une maison, mais sans table, banc, cuvette
ou seau. Ils emploient seulement une marmite de terre pour cuire
le riz, et emploient en outre une poêle de terre pour préparer
la sauce; Ils enterrent trois pierres pour faire le foyer, et
d'une coquille de noix de coco font une louche. Pour servir le
riz, ils emploient des plateaux chinois de terre ou de cuivre.
Pour la sauce, ils emploient des feuilles d'arbre dont ils font
de petites tasses qui, même pleines de liquide, n'en laissent
rien couler. En outre, ils font avec de feuilles de kiao de petites
cuillers pour puiser le liquide [dans ces tasses] et le porter
à la bouche; quand ils ont fini, ils les jettent. Il en
est ainsi même dans leurs sacrifices aux génies et
au Bouddha. Ils ont aussi à côté d'eux un
bol d'étain ou de terre plein d'eau pour y tremper les
mains; c'est qu'ils n'emploient que leurs doigt pour prendre le
riz, qui colle au doigts et sans cette eau ne s'en irait pas.
Ils boivent le vin dans des gobelets d'étain; le pauvres
emploient des écuelles de terre. Les maisons nobles ou
riches emploient pour chacun des récipients d'argent, quelquefois
même d'or. Pou le fêtes royales, on emploie nombre
d'ustensiles faits en or, de modèles et de formes particuliers.
A terre, on étend des nattes de Ming-tcheou; il y en a
aussi qui étendent des peaux de tigres, de panthères,
de cerf, de daims,etc... ou de nattes de rotin. Depuis peu, on
a inauguré des tables basses, hautes environ d'un pied.
Les palanquins sont faits d'une pièce de bois qui est
recourbée en sa partie médiane et dont les deux
extrémités se relèvent toutes droites; on
y sculpte des motifs fleuris et on la revêt d'or ou d'argent;
c'est là ce qu'on appelle des supports de palanquin en
or ou en argent.
Les grandes barques sont faites au moyen de planches taillées
dans des arbres [en bois] dur. Les ouvriers n'ont pas de scies
et n'obtiennent les planches qu'en équarrissant les arbres
à la hache; c'est une grande dépense de bois et
une grande dépense de peine. Quoiqu'on veuille faire en
bois, on se borne de même à le creuser et le tailler
au ciseau; il en est également ainsi dans la construction
des maisons. Pour les grandes barques, on se sert aussi de clous
de fer, et on recouvre ces barques avec des feuilles de Kiao (kajang)
maintenues par des lattes d'aréquier. Un bateau
de ce genre est appelé sin-na; il va à la rame.
La graisse dont on l'enduit est de la graisse de poisson, et la
chaux qu'on y mélange est la chaux minérale.
Les petites barques sont faites d'un grand arbre qu'on creuse
en forme d'auge; on l'amollit au feu et on l'élargit par
l'effort de pièces de bois; aussi ces barques sont-elles
large au centre et effilées au deux bouts. Elles n'ont
pas de voiles et peuvent porter plusieurs personnes; on ne les
dirige qu'à la rame. Elles sont appelées P'i-lan.
Chaque village a ou bien un temple, ou bien une tour. Si les
habitants sont tant soit peu nombreux, ils ont aussi un mandarin
local qu'on appelle mai-tsie (mé srok?). Sur les grandes
routes, l y a des lieux de repos analogues à nos relais
de poste; on les appelle sen-mou ( samnak). Récemment,
au cours de la guerre avec le Siam,[les villages] ont été
entièrement dévastés.
Avant ce temps-ci, dans le courant de la huitième lune
(chinoise), on recueillait le fiel : c'est que le roi du Champa
exigeait annuellement une jarre contenant des milliers et des
myriades de fiels humains. A la nuit, on postait en maintes régions
des hommes dans les endroits fréquenté des villes
et des villages. S'ils rencontraient des gens qui circulaient la
nuit, ils leur couvraient la tête d'un capuchon serré
par une corde et avec un petit couteau leur enlevaient le fiel
au bas du côté droit.
Dans la ville, près la porte de l'Est, il y eut un barbare
qui forniqua avec sa soeur cadette. Leur peau et leur chair collèrent
ensemble sans se détacher, et après trois jours
passés sans nourriture tous deux sont morts. Mon pays,
M. Sie, qui a passé trente-cinq ans dans le pays, affirme
avoir vu le cas se produire deux fois. S'il en est ainsi, c'est
que [les gens de ce pays] savent utiliser la puissance surnaturelle
du saint Buddha.
Le pays est terriblement chaud et on ne saurait passer un jour
sans se baigner plusieurs fois.
Tous, hommes et femmes, entrent nus dans le bassin. Seulement,
quand le père, la mère, ou des gens d'âge
sont dans le bassin, leurs fils et filles ou les jeunes gens n'y
entrent pas. Ou si les jeunes gens se trouvent dans le bassin,
les personnes d'âge s'en tiennent à l'écart.
On ne connaît aucunement la peine [de
la bastonnade] avec le bambou léger ou lourd, et on condamne
seulement, m'a-t-on dit, à des amendes pécuniaires.
Dans les cas particulièrement graves, il n'y a pas non plus
de strangulation ou de décapitation, mais, en dehors de
la porte de l'Ouest, on creuse une fosse où on met le criminel
on la remplit ensuite de terre et de pierre qu'on tasse bien:
et tout est fini.
Pour des cas moindres, il y a l'ablation des
doigts des pieds et des mains, ou l'amputation du nez. Toutefois
il n'y a pas de prescription contre l'adultère et le jeu.
Si le mari d'une femme adultère se trouve mis au courant,
il serre entre deux éclisses les pieds de l'amant qui ne
peut supporter cette douleur, lui abandonne tout son bien, et
alors recouvre sa liberté. Il y a aussi [comme chez nous]
de gens qui montent des coups pour escroquer.
Si quelqu'un trouve
un mort à la porte de sa maison, il le traîne lui-même
avec des cordes en dehors de la ville dans quelque terrain vague;
mais rien n'existe de ce que nous appelons une "enquête
complète".
On recourt aussi à un procédé remarquable.
Si quelqu'un perd un objet et soupçonne d'être son
voleur quelque autre qui s'en défend, on fait bouillir
de l'huile dans une marmite, et on oblige la personne soupçonnée
à y plonger la main. Si elle est réellement coupable,
sa main est en lambeaux, sinon, peau et chair sont comme avant.
Tel est le procédé merveilleux de ces barbares.
15. Les maladies et la lèpre.
16. Les morts.
Si le tout est achevé vivement, ils disent que leur père,
leur mère avaient des mérites et ont par suite obtenu
cette récompense; si le corps n'est pas mangé, ou
n'est mangé que partiellement, ils disent que leur père,
leur mère ont amené ce résultat par quelque
faute.
Maintenant il y a aussi peu à peu des gens qui
brûlent leurs morts ce sont pour la plupart des descendants
de Chinois. Lors de la mort de leur père de leur mère,
les enfants ne mettent pas de vêtements de deuil, mais les
fils se rasent la tête et les filles se coupent les cheveux
en haut du front, grand comme une sapèque, c'est là
leur deuil filial. Les souverains eux, sont enterrés dans
des tours, mais je ne sais si on enterre leurs corps ou si on
enterre leurs os.
17. Agriculture
En ce pays il pleut la moitié
de l'année, l'autre moitié de l'année, il
ne pleut pas du tout. De la quatrième à la neuvième
lune, il pleut tous les jours l'après-midi. Le niveau des
eaux du Grand Lac peut [alors] s'élever à sept ou
huit toises. Les grands arbres sont noyés ; à peine
leur cime dépasse. Les gens qui habitent au bord de l'eau
se retirent tous dans la montagne. Ensuite, de la dixième
lune à la troisième lune [de l'année suivante] il ne
tombe pas une goutte d'eau. Le Grand Lac n'est alors navigable
qu'aux petites barques ; aux endroits profonds, il n'a pas plus
de trois à cinq pieds d'eau. Les gens redescendent alors.
Pour labourer, ils n'emploient pas de boeufs. Leurs
charrues, faucilles et houes, tout en ayant quelque analogie de
principe avec les nôtres, sont de construction tout à
fait différente.
Il y a en outre une espèce de champs
naturels où le riz pousse toujours sans qu'on le sème;
quand l'eau monte jusqu'à une toise, le riz aussi croit
d'autant; je pense que c'est là une espèce spéciale.
Les Chinois qui sont là-bas ne leur parlent
jamais des épandages de fumier en Chine, de peur d'exciter
leur mépris.
Par deux ou trois familles, les gens creusent
une fosse qu'ils recouvrent d'herbe(?) quand elle est pleine,
ils la comblent et en creusent une autre ailleurs.
Après
être allés aux lieux, ils entrent toujours dans le
bassin pour se laver, mais n'y emploient que la main gauche; la
main droite est réservée pour prendre la nourriture
Quand ils voient un Chinois se rendre au lieux et s'essuyer avec
du papier, ils le raillent et vont jusqu'à désirer
qu'il ne passe pas leur seuil.
Parmi les femmes, il y en a qui
urinent debout ; c'est vraiment ridicule.
18. La configuration du pays
19. Les productions.
20. Le commerce
Aussi, si un Chinois en arrivant là-bas commence toujours
par prendre femme, c'est qu'il profite en outre des aptitudes
commerciales de celle-ci.
Chaque jour se tient un marché
qui commence à six heures et finit à midi. Il n'y
a pas [à ce marché] de boutiques où les gens
habitent, mais ils se servent d'une espèce de natte qu'ils
étendent à terre. Chacun a son emplacement. J'ai
entendu dire qu'on payait aux autorités la location de
la place.
Dans les petites transactions, on paie en riz, céréales
et objets chinois ; viennent ensuite les étoffes ; pour ce
qui est des grandes transactions, on se sert d'or et d'argent.
21. Les marchandises chinoises qu'on désire.
22. La flore
Le letchi et l'orange
sont de même forme [que chez nous], mais acides.
Tous les
autres [fruits] n'ont jamais été vus en Chine.
Les
arbres aussi sont très différents. Les plantes florales
sont en nombre encore plus grand, et de plus ont à la fois
parfum et beauté. Les fleurs aquatiques sont d'espèces
encore plus nombreuses, mais j'ignore leur noms. Quant aux pêchers,
pruniers communs, abricotiers, pruniers mume, pins, cyprès,
sapins, genévriers, poiriers, jujubiers, peupliers, saules,
canneliers, orchidées, chrysanthèmes, etc..., ils
n'en ont pas.
Dans ce pays, il y a déjà à
la première lune [chinoise] des fleurs de lotus.
23. Les oiseaux
24. Les quadrupèdes
Il y a en grande abondance tigres, panthères, ours, sangliers,
cerfs, daims, gibbons, renards, etc... Ce qui manque, c'est le
lion, le sing-sing, le chameau. Il va sans dire qu'on a en ce
pays poules, canards, boeufs, chevaux, porcs, moutons. Les chevaux
sont très petit. Les beufs abondent. Les gens montent les boeufs
vivants, mais morts il n'osent ni les manger, ni les écorcher ;
ils attendent qu'ils pourrissent, pour cette raison que ces animaux
ont dépensé leurs forces au service de l'homme.
Ils ne font que les atteler aux charrettes. Jadis il n'y avait
pas d'oies; depuis peu des marins en ont apporté de Chine;
aussi ont-ils cet animal. Ils ont des rats gros comme des chats,
et aussi une espèce de rats dont la tête ressemble
absolument à celle d'un tout jeune chien.
25. Les légumes.
26. Les poissons et reptiles.
27. Les boissons fermentées
La première est appelée
par les Chinois "vin de miel" ; on la prépare au moyen
d'une drogue à fermentation, et en mêlant du miel
et de l'eau par moitié.
La classe qui vient ensuite est
appelée par les indigènes p'ong-ya-sseu; on l'obtient
avec des feuilles d'arbre; p'ong-ya-sseu est le nom des feuilles
d'un certain arbre.
Encore au-dessous est le vin fait de riz cru
ou de restes de riz cuit, et qu'on appelle pao-leng-kio; pao-leng
-kio ( ranko>anka) signifie "riz".
En dernier
lieu vient le vin de sucre; on le fait avec du sucre.
En outre,
quand on pénètre dans l'estuaire, on a encore le
long de la rivière du vin de suc de kiao (vin de kajang?)
; il y a en effet une espèce de feuilles de kiao qui pousse
au bord de la rivière, et son suc peut donner du vin par
fermentation.
28. Le sel, le vinaigre, le soy.
29. Les vers à soie et le mûrier.
Ils savent
juste tisser des étoffes avec le [coton de] l'arbre à
coton; encore ne savent-ils pas filer au rouet, et font-ils leur
fil à la main. Ils n'ont pas de métier pour tisser;
ils se contentent d'attacher une extrémité de la
toile à leur ceinture et continuent le travail à
l'autre extrémité. Comme navettes, ils n'ont que
des tubes de bambou.
Récemment des Siamois sont venus s'établir
en ce pays, qui s'adonnent à l'élève des
vers à soie et à la culture du mûrier ; leurs
graines de mûriers et leurs graines de vers à soie
viennent toutes du Siam. Les gens n'ont pas non plus de ramie,
mais seulement du lo-ma. les Siamois se tissent avec la soie des
étoffes damassées foncées dont ils se vêtent.
Les siamoises savent coudre et repriser. Quand l'étoffe
qu'ils mettent sur eux est déchirée, les indigènes
prennent à gage [des Siamoises] pour la réparer.
30. Les ustensiles.
Pour dormir, on n'emploie que des nattes de bambou, et on couche
sur des planches. Depuis peu, certains emploient aussi des lits
bas, qui sont en général fabriqués par des
Chinois. On recouvre les aliments avec une étoffe; dans
le palais du souverain, se sert à cette fin de soieries
à fil double tachetées(?) d'or qui sont toutes des
présents des marchands d'outre-mer. Pour [décortiquer]
le riz, on n'emploie pas de meules, et on se borne à le
broyer avec un pilon et un mortier.
31. Les charrettes et les palanquins.
A environ un pied de chaque extrémité
on enfonce un crochet, et avec des cordes on attache aux deux
croches une grande pièce d'étoffe repliée
à gros plis. On se courbe dans cette toile et deux hommes
portent le palanquin.
Au palanquin on ajoute en outre un objet
semblable à une voile de navire, mais plus large, et qu'on
orne de soieries bigarrées ; quatre hommes la portent et
suivent le palanquin en courant.
Pour aller loin, il y a aussi
des gens qui montent à éléphant ou qui montent
à cheval; certains aussi emploient des charrettes, de modèle
identique à celles des autres pays. Les chevaux n'ont pas
de selles ni les éléphants de bancs pour s'asseoir.
32. Les barques et les avirons
34. Les villages
35. La récolte du fiel
On attendait que le nombre
fût au complet et on les offrait au roi du Champa. Mais
on ne prenait pas de fiels des Chinois. C'est qu'une année,
on avait pris un fiel de Chinois et on l'avait mis avec les autres,
mais ensuite tous les fiels de la jarre pourrirent et on ne put
pas les utiliser. Récemment on a aboli la pratique de la
récolte du fiel, et on a installé à part
les mandarins de la récolte du fiel, et leurs subordonnés,
en les faisant habiter dans la ville, près de la porte Nord.
36. Un prodige
37. Les bains.
Même la nuit, on ne peut
manquer de le faire une ou deux fois. Il n'y a ni maisons de bains,
ni cuvettes, ni seaux. Mais chaque famille a un bassin; sinon,
deux ou trois familles en ont un en commun.
Mais si on est de même âge, on n'y prête pas
attention, les femmes cachent leur sexe avec la main gauche en
entrant dans l'eau, et voilà tout.
Tous les trois ou quatre,
cinq ou six jours, les femmes de la ville, trois par trois, cinq
par cinq, vont se baigner hors de la ville dans le fleuve. Arrivées
au bord du fleuve, elles ôtent la pièce d'étoffe
qui leur entoure le corps et entrent dans l'eau. C'est par milliers
qu'elles sont ainsi réunies dans le fleuve. Même
les femmes des maisons nobles participent [à ces bains]et
n'en conçoivent aucune honte. Tous peuvent les voir de
la tête aux pieds. Dans le grand fleuve en dehors de la
ville, il n'y a pas de jour où cela ne se passe. Les Chinois,
aux jours de loisir, s'offrent souvent le plaisir d'y aller voir.
J'ai entendu dire qu'il y en a aussi qui entrent dans l'eau pour
profiter des occasions.
L'eau est toujours chaude comme si elle
était sur le feu; ce n'est qu'à la cinquième
veille qu'elle se rafraîchit un peu; mais dès que
le soleil se lève, elle s'échauffe à nouveau.
38. Les immigrés