A l'arrivée de leurs premières règles, les
jeunes khmères doivent (devaient) faire une retraite,
le tchol meulap ou l'" entrée dans l'ombre ".
Tcheou Ta Kouan dit, en 1295 :
" Entre sept et neuf ans pour les filles de maisons riches
et seulement onze ans pour les très pauvres, on charge
un prêtre bouddhiste ou taoïste de les déflorer.
C'est ce qu'on appelle tchen-t'an. Chaque année, les autorités
choisissent un jour dans le mois qui correspond à la quatrième
lune chinoise et le font savoir dans tout le pays. Au jour dit,
quand la nuit tombe, le moment du tchert-t'an est venu. Un mois
avant la date fixée, ou quinze jours, ou dix jours, le
père et la mère choisissent un prêtre bouddhiste
ou taoïste, suivant le lieu où ils habitent. Un bonze
ne peut, en effet, approcher qu'une fille par an. Cette nuit là
on organise un grand banquet avec musique... .
Le soir venu, avec palanquins, parasols et musique, on va chercher
le prêtre et on le ramène. Avec des soieries de diverses
couleurs, on construit deux pavillons ; dans l'un on fait asseoir
la jeune fille; dans l'autre s'assied le prêtre. On ne peut
saisir ce que leurs bouches se disent ; le bruit de la musique
est assourdissant et cette soirée-là il n'est pas
défendu de troubler la nuit. J'ai entendu dire que, le
moment venu, le prêtre entre dans l'appartement de la jeune
fille ".
Origines de cette coutume : la secte des Ari, les moines-boxeurs
A partir du XI° le mystérieux culte des Ari se dispute
le rang de religion officielle en Haute-Birmanie
avec le Bouddhisme Theravada.
Un de leurs principes disait que les jeunes filles à marier
devaient au préalable être livrées à
ses prêtres sous peine d'encourir un grand démérite.
Cet ancien rituel ne relève pas des rites du mariage proprement
dit mais d'un rituel prénuptial confié
aux ministres du culte et conservé
jusqu'à nos jours dans la tradition khmère par la
cérémonie de l'"entrée dans l'ombre".
Or, le sens ésotérique de la cérémonie
de l'"entrée dans l'ombre" (tchol meulap) restitue
des valeurs qui permettent de légitimer ces anciennes coutumes,
voire, de jeter un pont entre les croyances du Cambodge moderne
et les usages du bouddhisme d'Angkor.
Les Ari étaient des nobles. Ils portaient des vêtements
bleu-indigo, gardaient les cheveux longs, vivaient dans des monastères
et prêchaient, entre autres le culte du Naga et des cinq
M (traduit du sanscrit cela donne : alcool, viande, poisson,
geste mystique des mains et relations
sexuelles) et le bouddhisme tantrique.
Au XVI°, en Birmanie, ils seront appelés "
moines-boxeurs " : particulièrement sportifs et paillards,
ces moines vivaient une vie peu monacale : alcool, filles, alchimie,
médecine magique, vente d'amulettes et recettes magiques,
maniement des armes étaient leur lot quotidien.
Ils disparaissent au début du XIX°.
Au début du XX° siècle encore, les bouddhistes
shan de Haute-Birmanie pratiquaient toujours la cérémonie
du " breast-offering " qui prenait place à la
fin de la réclusion de la saison des pluies et consistait
à offrir à chaque religieux une jeune fille de la
localité.
En effet, ce jus primae noctis des récits chinois n'est
pas à rapprocher des pratiques érotiques ayant eu
cours dans certaines sectes tantriques de l'Inde. Bien qu'elles
choquent la morale de l'occident moderne, de telles cérémonies
sont exemptes d'aucune licence et ne constituent nullement un
privilège sexuel comparable par exemple au droit de cuissage.
Au contraire, leur description montre sans ambiguïté
qu'il s'agit de véritables cérémonies rituelles
qui se définissent en quatre points :
1/ elles s'adressent, comme tous les rites de la puberté,
à l'ensemble des individus de la communauté;
2/ elles précèdent le mariage;
3/ elles sont exécutées par des religieux;
4/ elles possèdent la marque des rites propitiatoires du
bouddhisme.