La Conservation d'Angkor | Principes d'architecture | Techniques de construction | Détails techniques |
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Les grandes religions indiennes ( hindouisme et bouddhisme ), source
des cultes khmers, influencent l'architecture, la statuaire et
le décor, sous-tendent les techniques de construction.
Le temple est non seulement la demeure du dieu, qui y séjourne
sous forme d'une statue, mais il devient aussi, à la mort
du roi, son mausolée. C'est aussi une fondation pieuse
destinée à accumuler des "mérites"
sur le roi et ses sujets.
Il ne s'agit ni de la résidence royale, ni d'un lieu de
culte public : le peuple et les fidèles peuvent seulement
entrer dans la première enceinte pour "lire"
les panneaux décoratifs faits de bas-reliefs. Mais au-delà
de cette première enceinte seuls les prêtres sont
admis et seuls le roi et le grand-prêtre peuvent accéder
au saint des saints, à la cella du temple.
L'astrologie était à la base de toute implantation
et répondait à des fins magiques : dans la mythologie
hindoue le centre de l'univers est le mont Méru sur lequel
vivent les dieux, tout comme les divinités grecques habitaient
l'Olympe. Le temple doit être l'image de ce mont.
coupe du Bakong (site de Roluos, 881)
Ce parallélisme entre le temple et la montagne apparaît dans l'architecture : le sanctuaire dans lequel sera placé la statue du dieu sera édifié au sommet d'une pyramide dont la fonction symbolique est de renforcer l'identité entre le temple et le mont Méru.
Le sanctuaire constitué d'un quinconce de tours représente
les cinq sommets du mont Méru. La pyramide elle même
est constituée d'une superposition de terrasses de plus
en plus petites. Cette pyramide à degrés est parcourue
par un ou plusieurs escaliers des plus raides. Qui les a montés
craint de les descendre !
Chaque étage de la pyramide est couvert de constructions,
en général répétitives, destinées
à évoquer la cité des dieux.
Des édifices annexes, salles longues bordant les gradins,
galeries entourant chaque degré, tours d'angles, pavillons
d'entrée (gopuram) rythment l'espace du temple, créant
d'immenses ensembles architecturaux qui englobent parfois la ville.
Plan du Bakheng (893 )
L'architecture repose sur les notions d'axe et de symétrie,
impliquant nécessairement la répétition des
éléments.
La forme géométrique carrée, considérée
comme traduisant la perfection absolue, est privilégiée.
Les plans des temples sont régis par deux axes se croisant
à angle droit : Il en ressort que le monument offre le même
aspect de tous les côtés.
Il s'agit d'une systématique rigoureuse, transcrivant des
règles générales fondées sur la
cosmologie
hindoue : le temple et ses constructions accessoires sont toujours
une réduction symbolique de l'univers. Par exemple, les
douves ne sont autres que l'océan primordial entourant
l'univers et les enceintes extérieures représentent
les chaînes de montagne qui bordent le monde.
Mais si l'Inde est à l'origine, les khmers vont multiplier les découvertes originales pour finalement créer une architecture complètement nouvelle. Très vite les disciples ont dépassé les maîtres!
Les architectes de l'époque utilisent uniquement trois éléments de base dont ils usent et abusent comme dans un jeu de construction. Ce sont :
Constamment la pierre est traitée en utilisant les modèles de charpentiers et non ceux des maçons, sans tenir compte qu'elle ne peut travailler à la traction comme le bois. Les difficultés technologiques étaient traitées selon les usages propres aux charpentiers : queues d'aronde, onglets, linteaux de pierre malheureusement creusés et doublés "d'armature" en bois (une fois le bois pourri par le temps, le linteau évidé n'étant plus capable de porter la charge se casse et provoque un éboulement des constructions supérieures), pièces tournées ou mortaisées, encadrements de portes conçus comme des cadres de bois moulurés etc..
Balustres de fenêtre en pierre tournée :
L'édification des voûtes ne dépassera jamais la technique de la construction par encorbellement de larges dalles de grès posées à plat, les unes sur les autres. Or, contrairement à la technique romane de la clé de voûte, l'encorbellement ne permet de couvrir que des portées très réduites. En conséquence, les pièces des temples apparaissent toujours minuscules à nos yeux modernes. De même les piles des ponts étaient tellement resserrées qu'il fallait élargir le lit de la rivière à l'endroit du pont pour permettre un passage normal de l'eau...
Les maisons, et même le palais royal, étaient construites
en bois, montées sur pilotis et couvertes de chaumes ou de tuiles pour
les plus riches. Briques
et pierres furent utilisés exclusivement pour les temples,
en général comme plaquage de surface : le coeur même
des pyramides étaient constitué de matériaux
de remblai, sable ou latérite.
Deux types de pierres sont utilisés :
La pierre est appareillée à sec, sans ciment ni
mortier. Pour obtenir un jointoiement parfait, les Khmers procédaient
à un rodage des surfaces de contact par frottement d'une
pierre sur l'autre. Procédé très efficace
car deux surfaces parfaitement planes (deux miroirs posés
l'un sur l'autre par exemple) sont très difficiles à
dissocier.
La cohésion de l'appareillage est donc purement statique
et ne se fonde que sur la capillarité et la force de gravité.
Ce qui explique que, malgré la qualité de construction,
la nature ai bien failli engloutir ces temples à tout jamais :
infiltrations d'eau, pousses débridées de végétation,
étaient inévitables sans un entretien constant.