Les fêtes au Cambodge
Jérôme ROUER, Màj oct 97.
La fête du Sillon Sacré ( Chrat Preah Nongkâl
)
La fête du Sillon Sacré ouvre la saison des pluies et la donc
la saison des travaux agricoles.
Elle se tient le quatrième jour de la lune décroissante
du mois de mai (fin avril, début mai)
Le roi, ou son représentant, ouvre la saison des labours en
traçant, à l'aide d'une paire de beufs sacrés, les
trois premiers sillons de la rizière sacrée délimitée
par les brahmanes du palais, en face du palais royal (esplanade de VEAL
MERU, autrefois existait une rizière sacrée au Nord du Palais
Royal). Le peuple chôme.
Il s'agit d'une tradition millénaire qui était tombée
en désuétude depuis le règne de Ang
Duong (1845-1859). Le roi Sihanouk a repris la tradition à Battambang,
le 11 mai 1963.
Les boeufs de chaque attelage sont choisis avec soin : cornes hautes
et légèrement penchées en avant, oreilles de taille
moyenne, longue queue dont l'extrémité doit ressembler à
un balai, testicules bien pendantes et de même taille.
Outre leur fonction de trait, les boeufs de l'attelage royal ont pour
mission sacrée de prédire l'avenir des récoltes. Du
riz, de l'herbe, du sésame, des haricots verts, du maïs, de
l'eau et de l'alcool leur sont présentés après le
traçage des trois sillons sacrés. Des épizooties sont
à redouter si les boeufs choisissent l'herbe ; le choix de l'alcool
est signe des pires calamités.
La fête des eaux
Cette fête se retrouve dans toute l'Asie du sud-est.
La fête des eaux servit de célébration de la nouvelle
année tant que la première religion du royaume fut de source
hindoue. Dès la fin du XIII ème le bouddhisme imposa la date
anniversaire de la naissance du Bouddha. Aujourd'hui ce n'est plus qu'une
fête populaire, attirant, à Phnom Penh, des centaines de milliers
de gens.
Une tradition, citée par le père Ponchaud,
dit que l'origine de la fête des eaux est le rassemblement de tous
les neak
ta venus honorer leur supérieur, le neak ta de Phnom Penh.
La fête des eaux à Phnom Penh
Pendant les trois jours qui précédent la pleine lune de novembre
des centaines de pirogues, venues des plus grands vat de province, vont
s'affronter, deux par deux, sur le Tonlé Sap, devant le palais
royal.
Les plus grandes pirogues contiennent jusqu'à 60 rameurs. En
1996, près de 300 pirogues, venant de tout le pays, concourraient.
Les pirogues descendent le Tonlé Sap sur 800 mètres vers
une ligne d'arrivée, face au palais. Cette ligne symbolise un barrage
qui retient les eaux : il suffit de la couper pour que les eaux refluent
du Lac Tonlé Sap vers le Mékong, la saison de pêche
peut commencer.
Les courses se déroulent l'après-midi jusqu'au coucher
du soleil. Suit alors un feu d'artifice.
La foule se presse le long des berges (la circulation automobile est
interdite sur plusieurs centaines de mètres de profondeur). Marchands
ambulants ou installés sur des nattes, orchestres invités
par les marques de bière et de cigarettes font les délices
de la foule.
Dans la nuit on célébrera la pleine lune...
La fête des eaux à Angkor (1996)
Bien plus modestes qu'à Phnom Penh (6 pirogues en 1996) les courses
se déroule dans les douves d'Angkor Vat. Foule immense de paysans
dans leurs plus beaux habits.
A la tombée de la nuit des dizaines de moines se regroupent
à l'entrée de la chaussée devant des tables couvertes
d'offrandes destinées à la lune.
Dans la lumière de la pleine lune et les bruits de la forêt,
le temple semble protéger la foule. Tout là-haut, dans le
sanctuaire central, brille une bougie dont on distingue les vacillements...
Les badauds, un instant attiré par un orchestre de musique moderne,
le délaisse pour s'agglutiner autour d'une baraque de forains jouant
des morceaux du répertoire populaire. Pas un bruit, pas un applaudissement
: uniquement des oreilles attentives, des regards émerveillés,
une joie intérieure qui fait plaisir à voir.
Les fêtes de Kathen
Pendant toute la période qui s'étend entre le premier jour
de la lune décroissante du mois d'asot et la pleine lune de kadek
(10 novembre-10 décembre) peuvent être célébré
des kathen, fête institutionnelle permettant de recueillir des dons
( pour les moines et donc des mérites pour soi-même.
Le kathen fut, dit on, institué par le Bouddha lui-même
parce que certains de ses disciples avaient eu leurs vêtements souillés
de boue, en allant , après la sortie du Vossa (saison des pluies),
chercher l'aumône au long des chemins détrempés ; il
leur permit donc d'accepter des dons de vêtements propres.
Si, historiquement, la robe monacale est le cadeau de base, on offre
aujourd'hui bien d'autres présents : sébiles, chaires à
prêcher, instruments de travail pour la pagode, moustiquaire, vaisselle,
nourriture ou même l'on paye des travaux de réfection de la
pagode.
Un groupement quelconque, comme par exemple tous les employés
d'un même bureau ou les gens d'un même quartier ou village,
organise la fête, en général un banquet au cours duquel
les dons seront recueillis.
Les dons seront remis de préférence à une pagode
pauvre. Toute pagode ne peut faire l'objet que d'un seul kathen dans l'année.
Le soir qui précède le jour du don, les présents
réunis sont placés sur une sorte de litière, transportée
en un petit cortège avec orchestre ; les gens rencontrés
sont eux aussi sollicités.
La litière est amenée au point de ralliement, où
sont dites des prières, suivies, le plus souvent, de réjouissances
diverses : représentations théâtrales, chants et danses.
Le lendemain matin tout le monde, en habits du dimanche, se retrouve pour
le cortège de départ. Les cars qui doivent les amener vers
la pagode élue sont décorés. Dans la campagne, on
se contente de " remorque", sortes de nacelle sur deux roues tirées
par un deux-roues, où s'entasse les villageois.
A l'arrivée, la foule fait trois fois, en le tenant à
main droite, le tour du sanctuaire de la pagode, précédée
par des joueurs de sayam.
Les sayams sont des tambours en bois, en forme de vase à col
très long, dont le fond est une peau de python. Ils sont affublés
de petit jupons de couleur vives. Les joueurs qui portent les tambours
en bandoulière, frappent la peau du plat des mains tout en dansant
et chantant des chansons joyeuses.
Une fois la circumbulation terminée, le cortège entre
dans le sanctuaire central où les bonzes sont assis ; les présents
sont disposés devant eux. Les fidèles saluent l'image du
Bouddha, et reçoivent les règlements bouddhiques. Un bonze
mesure les pièces de vêtements offertes et vérifie
si elles sont conformes à la règle.
Puis, au nom de tous, l'achar offre les présents aux bonzes,
qui récitent des stances de bénédiction.
Ensuite un repas réuni les bonzes; les donateurs attendent qu'ils
n'aient plus faim pour se mettre à table à leur tour.
Le retour est joyeux, bon enfant (on s'asperge d'eau) et musical (chants
et tambours) et, bien souvent, il se prolonge au delà du raisonnable.
La fête des morts ou "Pchom Ben"
Lire "Rites
et cérémonies funéraires"
Les ben sont des gateaux que l'on offre aux morts, par moines
interposés. Ils sont faits de boules de riz gluant accomodé
avec des ingrédients qui varient suivant les régions. Ces
boules sont cuites dans du lait de coco.
La première quinzaine d'octobre est réservée au
culte des morts. Le quinzième jour, celui de la pleine lune, est
nommé
Pchom ben ou "rassemblement des ben".
Selon la tradition, en ce mois où le ciel est obscurci par les
nuages de la mousson, en cette quinzaine, où la lune, diminuant
chaque nuit, devient plus sombre, Yâma, le roi des Enfers, libère
les âmes des morts pour qu'elles se mêlent un temps aux vivants.
Si, ayant cherché au moins dans sept pagodes, ces esprits ne trouvent
pas leur part d'offrandes, ils maudiront leur famille...
A l'occasion de Pchom Ben les Cambodgiens bénéficient
de trois jours fériés qu'ils mettent à profit pour
retourner dans leurs familles et se rendre à la pagode.