L'enterrement de Chau Kim |
---|
Les enterrements royaux |
La mort d'un Khmer aujourd'hui |
Enterrement des Chinois |
Enterrement des Chams |
Musique mortuaire |
La fête des morts |
1- La mort dans la culture khmère
La religion est la ressource fondamentale de la culture khmère.
La croyance dans l'au-delà régit la vie quotidienne.
Aucune maison n'est sans autel des ancêtres, aucune décision
ne sera prise sans avoir consulté les défunts...
Peu de peuples sont encore aussi croyants.
Les rites qui concernent la mort, cérémonies funéraires
ou cultes consacrés aux esprits des défunts, sont
donc particulièrement importants.
En octobre, lorsque que la saison des pluies touche à sa
fin, deux semaines sont réservées à la vénération
des morts. Il s'agit de la
fête des morts.
L'idée de la mort ne comporte en elle-même aucune
tristesse, la vie d'ici-bas n'étant pour les boudhistes
khmers qu'une étape parmi d'autres et une conséquence
d'une longue existence jalonnées par des incarnations successives.
La condition de l'homme, ses réussites, bonheurs et malheurs, est régie par son Kam ( karma) qui est la destinée résultant des actions accomplies au cours des vies successives. Il ne peut pas influer sur les événements de sa vie en cours. Par contre il peut accumuler des mérites pour sa vie future. En tout état de causes, si le défunt n'a pas été enterré suivant les rites, il n'aura comme vie future qu'une longue errance... (Il existe actuellement une polémique sur ce qui doit être fait des restes mortuaires (charniers, fosses communes, et ossuaire des champs de la mort de Choeung Ek) des centaines de milliers de personnes assassinées sous le régime Pol Pot entre 1975 et 1979. Le roi prône l'exécution tardive des rites et l'incinération des restes retrouvés pour que les âmes des défunts puissent être libérées de leurs carcasses humaines tandis que d'autres s'y opposent pour des raisons de morale politique : il ne faut pas oublier l'horreur.)
LesCambodgiens, adeptes du Bouddhisme du Petit Véhicule, croient qu'à l'instant même de la mort, l'âme se réincarne dans un nouveau corps. La vie terrestre est une épreuve imposée à l'âme pour permettre de juger de son état de développement réel. Une fois la vie terrestre achevée, l'âme est appelée à subir la peine que méritent ses fautes dans l'étage approprié des enfers ou à jouir dans un état bienheureux plus ou moins long du fruit de ses mérites.
Pour les vivants, la place de la mort et des morts est très importante : il y a les parents morts que l'on avertit de tous les événements familliaux. Il y a les morts dangereux, par exemple les femmes mortes en couches, qui ont souvent leur habitat en forêt. Nombreux sont les morts errants que l'on peut fixer par des offrandes, attirant ainsi leur protection.Il y a aussi les Neak Ta, morts associés à un lieu plus ou moins vaste, qui administrent le monde des esprits et surveillent le territoire du Cambodge. Ils bénéficient ainsi de nombreuses offrandes et prières de la part des habitants des territoires qu'ils régissent.
En fonction du signe zodiacal, les Khmers considèrent que certains jours offrent une mort faste. De même, le jour de la semaine détermine la direction du souffle de mort auquel on doit tourner le dos lors des cérémonies pour bénéficier de l'influx de son opposé, le souffle de vie.
2- les coutumes du passé
Les premiers témoignages écrits dont nous disposions sur les rites concernant les cérémonies mortuaires sur le territoire du Cambodge sont des annales chinoises concernant le royaume du Founan au Vème siècle. Il y est écrit qu "en cas de deuil, la coutume est de se raser la barbe et les cheveux. Pour les morts, il y a quatre sortes de funérailles : par l'eau, en jetant le cadavre au courant d'un fleuve; par le feu, en le réduisant en cendres; par la terre, en l'enterrant dans une fosse; par les oiseaux, en l'abandonnant dans la campagne."
Un autre texte chinois du VIIème siècle nous renseigne sur ces rites au temps du royaume du Chenla. "Les funérailles se font de cette manière : les enfants du défunt passent sept jours sans manger, se rasent la tête en signe de deuil et poussent de grands cris... Le corps est brûlé sur un bûcher formé de toute espèce de bois aromatiques; les cendres sont recueillies dans une urne d'or ou d'argent qu'on jette dans les eaux profondes. Les pauvres font usage d'une urne de terre cuite, peinte de différentes couleurs. Il en est aussi qui se contentent de déposer le corps au milieu des montagnes, en laissant aux bêtes sauvages le soin de le dévorer."
L'influence indienne apparaît nettement dans ces témoignages.
Mais, le témoignage de Tchéou Ta Kouan, chinois qui séjourna à Angkor à la fin du 13ème siècle, ne mentionne guère que l'exposition des corps aux bêtes sauvages et ajoute qu' "il y a peu à peu des gens qui brûlent leurs morts".
Texte de Tchéou Ta Kouan :
Pour les morts, il n'y a pas de cercueils; on ne se sert que
d'espèces de nattes, et on les recouvre d'une étoffe.
Dans le cortège funéraire, ces gens aussi emploient
en tête drapeaux, bannières et musique. En outre
ils prennent deux plateaux de riz grillé et le jettent
à la volée au alentours de la route. Ils portent
le corps hors de la ville, jusqu'en quelque endroit écarté
et inhabité, l'abandonnent et s'en vont. Ils attendent
que les vautours, les chiens et autres animaux le viennent dévorer.
Si le tout est achevé vivement, ils disent que leur père,
leur mère avaient des mérites et ont par suite obtenu
cette récompense; si le corps n'est pas mangé, ou
n'est mangé que partiellement, ils disent que leur père,
leur mère ont amené ce résultat par quelque
faute.
Maintenant il y a aussi peu à peu des gens qui
brûlent leurs morts ce sont pour la plupart des descendants
de Chinois. Lors de la mort de leur père de leur mère,
les enfants ne mettent pas de vêtements de deuil, mais les
fils se rasent la tête et les filles se coupent les cheveux
en haut du front, grand comme une sapèque, c'est là
leur deuil filial. Les souverains eux, sont enterrés dans
des tours, mais je ne sais si on enterre leurs corps ou si on
enterre leurs os.
Il semble en effet que, du temps d'Angkor, le rite de la crémation était réservé aux castes supérieures. On a retrouvé dans quelques temples (Préah Kor, Pré Rup, terrasse du roi lépreux à Angkor Thom) des ensembles qui semblent être des crématoires.
Après leur décés, les rois angkorien recevaient un nom posthume, celui du divin séjour où il s'en était allé. Par exemple, le nom posthume de Suryavarman II, bâtisseur d'Angkor Vat, mort vers 1150, est Paramavisnuloka ce qui signifie "le roi qui est allé au suprême séjour de Vishnu".
Chaque roi d'Angkor bâtissait son temple. Il était le représentant d'Indra, le roi des dieux sur terre, et il matérialisait ainsi ses pouvoirs surnaturels aux yeux du peuple. Et, à sa mort, ce temple qui était dédié au pouvoir royal, devenait son mausolée.
3- Les funérailles
Lire "l'enterrement de Chau Kim", texte de G. H. MONOD (1931)
Le blanc est la couleur du deuil. Epouse et fils ou fille aînée doivent se raser la tête.
Les funérailles telles qu'elles se pratiquent de nos jours gardent des traces sensibles des usages anciens. Le rang social conditionne toujours la nature, l'ampleur et le faste des cérémonies.
Sous l'influence de la réforme religieuse Dayamana la crémation est devenue l'usage. Avant celle-ci le corps peut être gardé plus ou moins longtemps.
En cas d'attente prolongée entre la mort et l'incinération, il est commun d'entourer le corps de feuilles de lotus qui ont la propriété d'absorber les odeurs. Pour le roi et les hautes personnalités, l'embaumement est de rigueur. (Lire les enterrements royaux)
C'est un Achar, laïc
qui sert d'intermédiaire entre
les moines et les fidèles qui décide du jour et
de l'heure les plus fastes pour la crémation.
Les restes mortuaires sont éventuellement déterrés,
les ossements sont recueillis, lavés et placés dans
un cercueil de dimension restreinte. (de nos jours, surtout en
ville, le corps entier du récent défunt est placé
dans un cercueil) .
Les restes sont escortés par une procession, famille amis
et relations, jusqu'à la pagode où a lieu la crémation.
Celle ci commence par une cérémonie comportant la
déclamation des formules rituelles pendant que les vivants
tournent trois fois autour du défunt. Puis ses restes
sont brûlés dans le crématoire de la pagode.
Ensuite les ossements sont recueillis, réduits en poudre
et enfermés dans une urne qui restera dans l'habitation
du défunt jusqu'à ce qu'on la mette dans un stupa.
A la suite d'un décès, les parents, amis et gens
du voisinage sont conviés, le septième et le centième
jour suivant le décés, à un repas chez la
famille du défunt. Tables et couverts sont installés,
très souvent sous une tente à même la rue.
Des mégaphones orientés dans l'axe des rues hurlent
des cassettes de musique mortuaire entrecoupée des renseignements
donnés au micro par les moines sur la personne décédée,
ses mérites ou des demandes d'offrandes et de dons.
Suivant la fortune de l'intéressé, ces mégaphones
émettent plus ou moins longtemps, jusqu'à une semaine
entière, du lever (4 heure du matin) au coucher du soleil
(21 heures).
Pour avoir une relation plus détaillée, lire "
la mort d'un Khmer aujourd'hui".
Au côté des cérémonies mortuaires pratiquées par les Khmers, il existe d'autres types de cérémonies dues à l'arrivée de nouvelles communautés qui gardent certaines de leurs spécificité. Ainsi en va-t-il des rites mortuaires pratiqués par les Chinois, les Chams et les diverses ethnies montagnardes.