Pour plus de détails, lire aussi :
Chronologie royale |
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Les événements à partir de 1848 (en français et en khmer) |
SOURCE : Alain Forest, "Le Cambodge et la colonisation française"
Jérôme ROUER, déc 96, mai 97
Avertissement :
Les rapports des Résidents locaux, longuement étudiés par Alain Forest, passaient par le Résident supérieur du Cambodge qui en faisait une première synthèse. Celle ci était systématiquement simplifiée au niveau du gouvernent général de Hanoi lorsque celui-ci consentait à mentionner le Cambodge dans ses comptes-rendus au Ministre des Colonies. L'idéal colonial prenait le pas sur la réalité pour donner l'image d'un Cambodge soumis et fidèle, transformé par les réalisations protectrices... Ce qui arrivait sur le bureau du Président de la République française constituait un chef d'oeuvre de laconisme et de mépris : "Cambodge , rien à signaler !"
1- avant 1870
Depuis 1863 la France, impériale puis républicaine,
protège le royaume du Cambodge, dans le droit fil des conseils
de Monseigneur MICHE, ( Evêque du Cambodge de 1847 à
1873, partisan résolu d'une alliance franco-cambodgienne,
seul moyen de mettre fin aux conflits internes et externes qui
affaiblissent le royaume ).
Ce royaume se caractérise par
l'imbrication de pouvoirs multiples qui se concurrencent et s'annihilent
les uns les autres et dont la pratique dominante est de s'enrichir
aux dépends des subalternes et du peuple (cf la situation
actuelle, 1996, éternel Cambodge! )
Le roi Norodom succéde à son père
Ang Duong (décédé le 19 octobre 1860).
De suite une âpre contestation est menée par
ses deux frères, Sisowath et Si Votha. Norodom ne doit
son maintien qu'a l'appui du roi du Siam, Mongkut, dont il est
devenu entièrement dépendant ; l'appui français
est inespéré... mais n'empêchera pas le roi de devoir céder au Siam, en 1863,
les provinces de Battambang, Sisophon, Siemreap, Melou Prey, Tonlé Repou,
Kompong Svay et Pursat. (ces provinces seront récupérées par la France en 1907)
Le traité de Protectorat qui avait été signé le 11 août 1863, Norodom étant alors vassal du roi de Siam, sera ratifié le jour de son couronnement à Oudong, le 3 juin 1864. (Le roi restera cependant vassal du Siam jusqu'au 15 juillet 1867, date de la signature du traité franco-siamois par lequel le Siam renonce à sa suzeraineté sur le Cambodge en contrepartie des provinces annexées en 1863).
Le traité de protectorat exige du roi qu'il ne reçoive aucun ambassadeur ou consul étranger en contrepartie d'une assistance dans le maintien de l'ordre et de la paix. La présence française reste discrète: un représentant, Doudart de Lagrée, dans la capitale royale, Oudong, quelques garnisons le long du Mékong...
Dès le traité signé, Norodom tente l'habituel double jeu et se rend à Bangkok. Doudart de Lagrée fait occuper le Palais... Des révoltes contre le roi et les français sont difficilement maîtrisées (1864-1867).
Fin 1865, le roi et sa cour quittent Oudong et s'installent à Phnom Penh.
Le 15 juillet 1867, la France confirme la cession des provinces les plus riches du royaume, Battambang et Siemreap, au Siam qui n'en demandait pas tant en contrepartie de la reconnaissance du Royaume du Cambodge...
2- 1870 - 1880
Les français poussent le roi à opérer quelques
réformes :
- épuration et reprise en mains de l'administration concussionnaire,
- fiscalité et perception des impôts,
- céation d'un Conseil de Gouvernement avec présence
d'un représentant français,
mais Norodom repousse toute mise en question des traditions et
coutumes cambodgiennes et résiste malgré les pressions
et le chantage au trône des français.
Le Myre de Villers, gouverneur de Cochinchine (1879 -1883), décide
tout simplement d'annexer le Cambodge à la Cochinchine
en organisant l'immigration des Vietnamiens dans le but avoué
de laisser les Vietnamiens avaler pacifiquement les Cambodgiens.
3- le coup de force de 1884 et l'insurrection des années
1885-1886
Le 17 juin 1884 le gouverneur de Cochinchine Thomson fait un coup
de force : il place ses canonnières en face du Palais Royal,
fait réveiller le roi et lui lit le texte d'une convention
dont il exige la signature sur le champ : le roi règne
mais ne gouverne plus, et, par ailleurs, l'esclavage
est aboli .
Les français divisent le territoire en 8 provinces, alors
qu'il y en avait 57, dirigées par des résidents.
Les fonctionnaires cambodgiens se trouvent totalement marginalisés...
Grand malaise qui dégénère, sous l'impulsion
de Si Votha, en insurrection généralisée
(1885 ), non maîtrisée et qui durera un an et demi.
Fin 1886,Norodom accepte d'aider les Français et de pacifier
le pays.
Le nombre de provinces est ramenée à 5, et les résidents
s'abstiennent de se substituer aux fonctionnaires cambodgiens.
Le roi nomme à nouveau les gouverneurs de province, qui
retrouvent leurs droits de justice, et perçoit les impôts
(sauf ceux de l'opium, des alcools et les droits de douane).
Le résident supérieur de Verneville (1894 - 1897),
forte gueule, veillera farouchement à cette autonomie et
fera du Cambodge sa chasse gardée en dépit et contre
les colons de Cochinchine.
4- 1887 : La prise de pouvoir par les Français, abolition
de l'esclavage.
Le résident supérieur de Verneville, employant les
méthodes cambodgiennes avec l'aide active de sa concubine,
l'imparable courtisane Ruong , noyaute la cour et les hautes personnalités.
Puis faisant tout un cinéma auprès du Gouverneur
général de Cochinchine, il obtient de mettre Norodom
sur la touche, en faisant croire qu'il est atteint de sénilité.
Le nouveau Gouverneur général, DOUMER, habile chirurgien
des malaises coloniaux, s'aperçoit de la supercherie, nomme
un nouveau résident supérieur tout en avalisant
le coup d'Etat de de Verneville.
Les relations entre le roi et le résident supérieur
s'enveniment, avec notamment un bras de fer concernant la ferme
des jeux, dernière source de revenu privée du roi
(Dès 1995 l'éternel Cambodge vibrera encore des histoires
peu honorables de casinos!)
5- 1900 : l'affaire Yukanthor
Cette insurrection a sauvé le Cambodge d'une annexion
cochinchinoise. Le gouverneur Général de Lanessan
va jusqu'à dénoncer le "parti annexionniste
de la Cochinchine" mené par certains gros colons d'Annam.
Un de ses arguments est que le moyen le plus sûr "
de tenir en échec la race la plus nombreuse (les Vietnamiens)
... consiste à fortifier les races hétérogènes,
de civilisation indienne ou musulmanes, les Khmers et les Chams."
La voie des réformes est ouverte, le roi n'a plus qu'à
encaisser sa liste civile et le pouvoir passe au résident
supérieur.
En 1900, le roi envoie le prince Yukanthor, avec qui il s'est réconcilié, à l'exposition coloniale de Paris. Yukanthor est chargé de maneuvrer pour le compte de Norodom et en défaveur du Résident et de sa politique. Il remet un mémorandum au vitriol qui est repris par la presse parisienne... et appuyé par le résident supérieur Ducos... Gros scandale vite étouffé par l'exil à vie du prince et le changement de résident supérieur.
Yukanthor ne remettait pas le protectorat en cause, il en demandait seulement un aménagement mais aussi, faute impardonnée, de se faire reconnaître comme héritier légitime de Norodom. Or les Français avaient déjà choisi "le pion" Sisowath...
6- Le 25 avril 1904 Norodom meurt. Il aura toute sa vie inquiété ses protecteurs...
Le résident supérieur réunit immédiatement un concile composé de lui-même, des cinq ministres, du chef des Baku et des supérieurs des deux ordres bouddhiques pour désigner son successeur. Cette procédure fera jurisprudence. Elle est encore utilisée pour désigner le nouveau roi.
Sisowath, ardent défenseur du Protectorat, succède à Norodom.