Angkor : décor, statues et vandalisme

Jérôme ROUER, mai 97


Décor :

Les temples en briques étaient recouverts de stuc (il en reste de très belles traces au Preah Ko de Roluos). Les briques étaient alors pré-sculptées.

Les murs extérieurs de certains temples en briques (notamment le Mébon oriental) présentent actuellement d'innombrables trous d'accrochage régulièrement disposés (à ne pas confondre avec les trous de transport) : il se pourrait qu'ils fussent recouverts de plaques de métal.
On retrouve ces trous d'accrochage dans les parties les plus nobles de beaucoup de temples ( sanctuaire central du Prah Khan, par exemple).

Les pièces étaient closes par des portes en bois : les systèmes de fixation se retrouvent partout. Il en est de même pour les cinq entrées d'Angkor Thom pour lesquelles on a en plus le témoignage de Tchéou-Ta-Kouan.

Des plafonds en bois sculptés cachaient les superstructures des toits.

Il est probable que certains sols devaient être dallés d'argent ou d'or.

Il ne semble pas que les murs étaient peints. Les traces de couleurs dateraient de l'époque où des moines squattaient les temples.

Statues :

Chaque pièce abritait une statue ou un symbole religieux. Les idoles étaient parées de pierres précieuses et , au moins pendant la période bouddhique, habillées.

Toutes ces richesses originelles de décorum ont disparu dès le XV éme siècle, emportées par les vainqueurs, Cham (1177) ou Siamois (1353, 1431). Certes, toutes les statues ne furent pas emportées mais on peut se demander si les idoles ne furent pas mutilées dès cette époque : qui les possédait avait la protection des dieux . Il devait être du devoir du vainqueur soit de s'approprier soit d'éliminer cette protection surnaturelle. En outre, la montée du bouddhisme puis la réaction brahmanique de 1245 avaient eu un sérieux impact sur la statuaire : les traces de buchâge ou de transformation de bas-relief sont encore nombreuses.

Vandalisme :

La terreur que devaient imposer les castes dirigeantes a fait que les populations locales ont purement et simplement ignoré les temples (sauf Angkor Vat) jusqu'au XXème siècle. Il est même étonnant de constater que, dans une région qui manque totalement de pierres, celles-ci ne furent pas empruntées pour des usages ménager ou de construction.

Certes on constate des velléités de transformation de certains temples (Bouddha inachevé du Baphuon, traces de transformation en pagodes...) . On sait aussi que des centaines de statues de Bouddha furent apportées par des dévots.

A partir de 1910 des pièces furent expédiées en Europe par les conservateurs successifs (beaucoup se retrouvent au musée Guimet à Paris).

Le premier acte de vandalisme calculé est au déshonneur d'André Malraux qui monta une expédition, lourde pour l'époque, contre le Bantea Sreï. Il fut pourchassé par Georges Groslier qui n'eut de cesse de la voir mis en prison.

On peut affirmer que le patrimoine culturel fut bien protégé par les conservateurs jusqu'au 1 mars 1975, 47 jours avant la prise du pouvoir par les Khmers rouges.

Entre 1970 et 1975, B-P Groslier s'était épuisé à remplir la Conservation de Siemreap et à envoyer les pièces les plus belles au musée de Phnom Penh.

Mais le trafic commença vraiment pendant l'époque d'amoralité et de corruption effrénée de la République khmère.

Les Khmers rouges protégèrent les temples et ne firent aucune dégradation volontaire.

Dès 1980 le trafic fut le fait des occupants vietnamiens qui pillèrent la Conservation d'Angkor. On retrouva des caisses ouvertes au lance-rocket et les habitants parlent encore du va et vient des hélicoptères et des camions.

Le pillage s'organisa à grande échelle et, au fur et à mesure du temps, la connexion thaïlandaise, avec la complicité des armées khmères, prit le dessus.

Grâce aux anciens inventaires de la Conservation (récupérés de façon héroïque par Jean Boulbet qui, en 1975, n'hésita pas à traverser 200 kilomètres de zone khmère rouge, déguisé en paysan et à dos d'éléphant), on peut tracer certaines pièces et dater les vols. Du beau monde s'y trouve impliqué; Malraux apparaît alors comme un enfant de choeur.

Jusqu'en 1990 le trafic d'oeuvres d'art fut une industrie prospère dont le siège était basé en Thaïlande : le vandalisme n'avait pas de limites...
La coopération française créa et équipa en 1995 une compagnie spéciale de gendarmes, équipée d'une vingtaine de motos, qui, encore en octobre 1996, surprit 25 militaires en train de détruire un temple éloigné (Ces bons soldats furent remis à "l'autorité militaire" et nul n'eut vent de sanctions..) A partir de 1993 la France mit en place sur le site d'Angkor une unité de protection

En 1997 on peut encore constater des actes de vandalisme (Phnom Bakeng notamment), mais ce sont surtout les temples excentrés, Preah Vihear , Ko Kher et autres qui sont pillés par des militaires fort bien équipés et protégés.