L'Histoire récente du Cambodge

1863-1953
Protectorat
1953-1970
Neutralité
1975-1980
Les Khmers rouges
1980-1989
L'occupation vietnamienne
1991
Les Accords de Paris

Pour plus de détails, lire aussi :
Chronologie royale
Les événements à partir de 1848 (en français et en khmer)


A/ Le protectorat : 1863- 7 janvier 1946 [Lire aussi "Remarques d'un médecin de brousse sur le Protectorat"]

Pour préserver son indépendance à l'égard de Bangkok, le roi Norodom accepte le protectorat français, conclu par un traité signé en 1863, au grand dam de la Thaïlande.
La capitale est fixée à Phnom Penh en 1867.
En 1884 le roi est dépossédé de ses pouvoirs administratifs et de gouvernant en général. Un de ses fils, Yukanthor, fait un scandale à Paris.
La couronne passe en 1904 à un demi-frère du roi, Sisovat, qui la conserve jusqu'à sa mort en 1927.
Entre temps, le traité franco-siamois de 1907, rend au Cambodge les provinces de Battambang, et de Siem Reap, dont dépend Angkor.

A la mort de Sisovat, un de ses fils, Monivong, monte sur le trône.
A la fin de son règne, la province de Battambang et une partie des provinces de Siem Reap et Kompong Thom sont reprises par la Thaïlande à la faveur de la Seconde Guerre mondiale.

Norodom Sihanouk, son petit-fils, issu à la fois des familles Norodom et Sisovat, lui succède en 1941, désigné par la France.
Paris fait face à une opposition nationaliste surtout alimentée par le Japon et reconnaît l'autonomie du Cambodge le 7 janvier 1946.
Le 6 mai 1947, Norodom Sihanouk octroie à ses sujets une Constitution démocratique.
L'indépendance est formellement accordée le 8 novembre 1949, dans le cadre de l'Union française.
Mais, il faut attendre 1953 pour que cette indépendance soit réelle, et le roi mène pendant cette période une campagne internationale inlassable, allant jusqu'à s'exiler dans la province de Siemp Reap.
Cependant, les troupes du Viêt-minh s'étaient déjà installées dans plusieurs provinces du pays. Le roi engage la lutte contre elles et, le 21 juillet 1954, les Accords de Genève prévoient le départ de toutes les troupes Viêt-minh.
Pour mieux conduire la rénovation de son pays, Norodom Sihanouk abdique en mars 1955 en faveur de son père Sumarit, et fonde un parti unique, la Communauté socialiste populaire (Samgkum reastr niyum).
En avril 1960, après la mort de son père, il devient Chef de l'Etat. La reine Kossamak, veuve du roi Sumarit continue cependant d'incarner le principe monarchique.

B/ L'impossible neutralité.
Entre l'Occident et le bloc communiste, le prince Sihanouk choisit la neutralité, tentant de maintenir un équilibre entre les deux tendances antagonistes.
Il rejette l'aide américaine en novembre 1963 dans l'espoir de rester en dehors du conflit indochinois. Mais les troupes Viêt-cong franchissent les frontières de l'est régulièrement, pourchassées par des forces américano-sud-vietnamiennes exerçant leur " droit de poursuite ".
Des
Khmers rouges ont pris le maquis, tandis qu'une partie de la bourgeoisie de la capitale souhaite l'aide américaine. Des protestations s'élèvent contre l'entourage du prince.
Le 18 mars 1970, Sihanouk, en voyage en France est destitué par la Chambre , et il se réfugie en Chine, choix qui pèsera lourd au cours des années qui suivront.
Le général Lon Nol et le prince Sirik Matak, pro-américains, dirigent le gouvernement.
Des pogroms ont lieu à l'encontre de la population vietnamienne. Lon Nol fait finalement appel aux Etats Unis et, le 30 avril 1970, des unités sud-viêtnamiennes et américaines interviennent officiellement au Cambodge.
Le pays devient le champ de bataille arrière de la guerre du Vietnam. La guérilla sihanoukiste, mais aussi khmère rouge, et la présence du Viêt-cong ne laissent au gouvernement que le contrôle des villes.
Après 1973 et l'échec des Accords de Paris sur le Vietnam, les avions américains commencent le bombardement systématique et massif de positions ennemies en territoire khmer, notamment sur la piste Ho-Chi-Minh. Mais les forces sihanoukistes, le FUNK, font le blocus de Phnom Penh, nécessitant un pont aérien américain avec la Thaïlande.
Le pays est en pleine crise économique et politique.
Après le bombardement du Palais présidentiel de Chamcar Mon, le 18 mars 1973, par un gendre de Sihanouk, l'état d'urgence et l'état de siège sont décrétés et les libertés suspendues.
Un mois plus tard, Lon Nol annonce la démission du gouvernement et son remplacement par un haut conseil politique. Des tentatives de dialogue avec " l'autre côté " demeurent sans suite.

C/ Les Khmers rouges.
La guérilla khmère rouge, qui a pris peu à peu l'avantage dans la lutte armée contre les éléments sihanoukistes, emporte finalement en janvier 1975 la "bataille de Phnom Penh" et pénètre dans la ville.
Le parti, l'Angkar, dirige le pays d'une main de fer, l'isolant de la plupart des nations étrangères et de la presse internationale, appliquant une théorie maoïste maximaliste. Pol Pot, Leng Sary et leurs femmes, Khieu Samphan, etc. sont à sa tête.
Des luttes internes se déroulent toutefois, des règlements de compte sanglants ont lieu et des unités et des commandants régionaux, tels Heng Samrin et Hun Sen, futur homme fort du Cambodge, font défection.
Il est parfois difficile à ceux qui n'ont pas connu le Cambodge à la sortie du régime des Khmers rouges d'imaginer ce que le pays a vécu, et combien la remontée, qui a pris des années et n'est pas encore achevée, demeure difficile.

Le Cambodge d'aujourd'hui est un pays ressuscité, dont la vie, les structures et la population ont été bouleversées très profondément et durablement par le tragique période du règne khmer rouge, qui a fait de un à deux millions de morts et laissé un traumatisme ineffaçable.
Presque chaque famille a perdu au mois un des ses membres à cette époque, et souvent beaucoup plus.
Les villes étaient vidées, la population déplacée à la campagne pour des travaux forcés sous une menace de mort perpétuelle.
Il n'y avait ni droit personnel, ni religion, ni culture, ni famille.
Le chemin accompli après 1979 a été considérable, malgré la difficulté du contexte politique international, mais les traces du passé sont toujours sous-jacentes, et vivace la crainte d'un retour à la guerre. D'autant que les Khmers rouges n'ont jamais étaient jugés et sont intégrés officiellement au processus politique.
Un autre élément important est le sentiment du Cambodge d'être menacé par ses deux grands voisins, la Thaïlande, qui dans le passé annexa plusieurs provinces cambodgiennes, et le Vietnam, dont l'expansionnisme a provoqué chez les Khmers une forte animosité et même un certain racisme, exploité par les Khmers rouges.
Le sentiment de la grandeur passée et la force de la culture Khmère, autour de sa langue et du bouddhisme, sont un ciment important au milieu de toutes les divisions.

D/ L'occupation et la tutelle vietnamienne.

Devant les incursions puis les massacres perpétrés par les Khmers rouges à la frontière du Vietnam, l'armée vietnamienne intervient en 1978 contre son allié d'antan. Le 7 janvier 1979 elle entre dans Phnom Penh, chassant les Khmers rouges vers la frontière thaïlandaise et renversant le régime.
La RPK (République Populaire du Kampuchea, provietnamienne) remplace la RDK (République Démocratique du Kampuchea, Khmère Rouge ).
Mais l'armée vietnamienne reste dans le pays et l'opinion internationale s'indigne.
Depuis son second exil à Pékin, le prince Sihanouk, bien qu'il fût pendant des années l'otage des Khmers rouges dans son palais de Phnom Penh, prend la tête de l'opposition au régime provietnamien. Son alliance avec les Khmers rouges fait qu'ils sont seuls reconnus par l'ONU comme représentants du Cambodge.
La guérilla khmère rouge, avec l'aide notamment de la Chine, des Etats-Unis et de la Thaïlande, reconstitue ses forces.
Les partisans du prince Sihanouk, regroupés dans le FUNCINPEC, (Front Uni National pour un Cambodge Indépendant, Neutre, Pacifique, Coopératif) et sa branche armée, l'A.N.S (Armée Nationaliste Sihanoukiste), et de l'ancien Premier ministre proaméricain Son Sann (FNLPK, Front National de Libération du Peuple khmer), organisent une petite guérilla, puisant, comme les Khmers rouges, dans les camps de réfugiés à la frontière et profitant de l'aide humanitaire à ces camps.
Le gouvernement de coalition du Kampuchea démocratique (GCKD, Gouvernement de Coalition du Kampuchea Démocratique), présidé par le prince Sihanouk et regroupant les trois factions d'opposition, les Khmers rouges, le FNLPK et le FUNCINPEC, est créé en réaction contre le régime de Phnom Penh.

E/ Les Accords de Paris.
Devant le blocage de la situation, le prince Sihanouk finit cependant par se retirer, puis par démissionner de la présidence du GCKD. En décembre 1987, il entame près de Paris des pourparlers de paix avec le Premier ministre du régime de Phnom Penh, M. Hun Sen.
Ce sont des pourparlers difficiles, fertiles en rebondissements, dans lesquels dominent les questions du rôle des Khmers rouges dans un éventuel règlement, et du démantèlement ou du maintien du régime de Phnom Penh.
Le Vietnam a retiré en 1988 la plupart de ses conseillers civils au Cambodge et quelque 50 000 hommes de son contingent, laissant peu à peu le Cambodge assurer seul sa défense.
Hanoi annonce en 1989 le départ de toutes ses troupes du pays, avec un an d'avance sur le calendrier initial.
Les conversations Hun Sen-Sihanouk sont élargies aux autres factions de la guérilla et aux pays de l'ASEAN (Association des Nation de Sud-Est Asiatique).
En août 1989 se tient à Paris, sous la co-présidence de la France et de l'Indonésie, la Conférence internationale de Paris sur le Cambodge. Y participent notamment cinq membres permanents du Conseil de sécurité, les pays régionaux intéressés, communistes ou de l'ASEAN, le Japon, le Canada, l'Australie, et des représentants de l'ONU et des non-alignés.
Cette conférence échoue devant l'attitude d'obstruction des Khmers rouges, soutenus par la Chine, et l'incapacité du prince Sihanouk à se placer au-dessus des parties.
Le processus n'est toutefois pas rompu, et de nombreuses réunions se tiennent dans le cadre de la CIPC (Conférence Internationale pour le Cambodge), qui a gardé ses structures, entre les " cinq grands ", et de façon informelle, à Djakarta (les " JIM "), à Tokyo et à Bangkok.
Peu à peu, des documents d'accords sont préparés, un consensus semble apparaître.
Une nouvelle réunion de la CIPC se tient en octobre 1991, et les Accords de Paris, mettent le Cambodge sous le contrôle de l'ONU jusqu'aux élections générales qui se sont déroulées au début 1993.
Le Prince Norodom Sihanouk rentre à Phnom Penh le 14 novembre 1991, en grande cérémonie, et le Conseil national suprême (CNS) se réunit pour la première fois dans la capitale cambodgienne, mettant fin officiellement à la guerre.
Cependant rien n'est résolu, l'obstruction des Khmers rouges se fera de plus en plus marquée, et des combats sporadiques auront lieu, notamment dans la région de Kompong Thom.
L'ONU, qui désigne un japonais, M. Yasushi Akashi, comme chef de l'
APRONUC (Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge, UNTAC en anglais), a des difficultés à réunir les capitaux nécessaires à son déploiement, et du retard est pris dans le déminage et le rapatriement des 350 000 réfugiés.
Les Khmers rouges refusent le déploiement de l'ONU dans les zones qu'ils contrôlent et leur désarmement.
Le régime de Phnom Penh, affaibli, ne peut empêcher certains débordements. Le leader Khmer rouge, Khieu Samphan est frappé par des manifestants en colère en novembre 1991.
En décembre 1991, des manifestations contre la corruption dégénèrent, l'armée intervient et il y a plusieurs morts à Phnom Penh. Des règlements de compte, certains apparemment politiques, ont également lieu.
Contre toute attente, les élection de mai 1993, pour lesquels les Khmers rouges avaient appelé au boycottage, se déroulent sans incident majeur et avec une participation massive, ce qui sauve in extremis la mission de l'APRONUC, qui s'apprêtait à quitter le pays.
Cependant un partage des pouvoirs est réalisé, tandis qu'une nouvelle constitution monarchique est adoptée par l'Assemblée constituante. L'APRONUC se retire et le prince Norodom Sihanouk devient roi constitutionnel et Chef de l'Etat. La nouvelle armée royale livre combat aux Khmers rouges pour les amener à négocier.