Les religions d'Angkor, le culte du Dieu-Roi

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Texte : Jérôme ROUER

Les temples d'Angkor entremêlent deux religions, le Bouddhisme du Grand Véhicule et le Brahmanisme, auxquelles s'ajoute un culte importé de Java, le culte du Dieu-Roi ou Devaraja.

Tout laisse à penser que les deux religions officielles coexistaient et tendaient même à se fondre l'une dans l'autre ( le Bouddhisme du Grand Véhicule incorporait des dieux du Brahmanisme ). Les circonstances politiques firent que les mêmes temples furent affectés tantôt à l'une, tantôt à l'autre de ces religions. A l'occasion de ces changements les emblèmes de la religion "sortante" étaient détruits ou retaillés... (ainsi les brahmanes transformèrent les Bouddhas en ascètes barbus, les bouddhistes détruisirent des linga)

Au IXème siècle Jayavarman II, fondateur d'Angkor, inclut le culte du Dieu-Roi (Devaraja) au Brahmanisme : désormais, que cela plaise ou déplaise, le roi est la représentation de Civa, le dieu supérieur de la trinité brahmaniste : Brahma, Civa, Vishnou. Il doit être adoré comme une divinité, avec des rites formels dont l'observance fut confiée à une même famille de brahmanes pendant des siècles.
(A noter que l'introduction de ce culte est attesté par une unique source d'informations, la stèle de Sdok Kok Thom, postérieure de 250 ans au règne de ce roi et confirmée par aucun autre document ; il est probable que la famille brahmane qui avait en charge ce culte, au début fort modeste, ait voulu lui donner, 250 ans plus tard, un aspect grandiose... pour augmenter son propre prestige.
En cherchant les origines de ce culte, M. Bosch a pu conclure qu'il existait, aussi bien au Champa qu'au Cambodge et à Java, une tradition établissant "un rapport étroit entre Civa, son linga, un Brahmane éminent et la dynastie régnante")

Civa et le roi-dieu partagent le même symbole religieux, le linga, qui, à l'origine, est le symbole de Civa.

Jayavarman II en profite pour introduire aussi et entre autres :

Il semble que le culte du Devaraja, civaiste d'origine, se soit adapté sans difficultés au vishnouisme puis au bouddhisme.
C'est Jayavarman VII , roi bouddhiste du XII ème siècle qui décida de s'incarner non plus dans le linga mais dans le Bouddha. Son essence divine sera adorée sous les traits du Bouddha du Bayon.
Le "Bouddha vivant", Jayavarman VII, ne se contenta pas de sa propre déification : il compléta la trinité Bouddhique en introduisant le culte de ses parents, son père, déifié, étant vénéré au Prah Khan, et sa mère, déifiée elle aussi, au Ta Prohm.

Les excès de toutes sortes, corvées, guerres, impôts provoquèrent un regain, bref mais violent, de l'hindouisme au cours du XIII ème siècle, et petit à petit le Bouddhisme du Petit Véhicule, d'école cingalaise et de langue pâli devint la religion du Cambodge.