Le Bouddhisme et Angkor

Jérôme ROUER, 7/12/96

Historique
Les représentations du Bouddha.
La secte des Ari - les moines-boxeurs

Angkor, berceau de la religion khmère actuelle, était oecuménique avant l'âge...


1- HISTORIQUE

Il est probable que le Bouddhisme du Petit Véhicule ou Hinayana, de langue sanscrite ai précédé le Brahmanisme.

Le Brahmanisme et le Bouddhisme du Grand Véhicule ou Mahayana, qui incorporait des dieux brahmanistes, étaient les deux religions officielles, et coexistaient sans trop de difficultés. Les sculptures d'Angkor mélangent allègrement les symboles religieux et même les divinités. A priori il n'y eut jamais de guerres de religion, tout au plus des appropriations successives de certains temples accompagnées d'actes de vandalisme... (Il y eut cependant une violente réaction brahmaniste, de nature politique, après le règne de Jayavarman VII, vers 1245.)

Dès l'origine de la civilisation d'Angkor, Au IX ème siècle, Jayavarman II ajouta le culte du Dieu-Roi ( Devaraja ) au Brahmanisme avec le linga comme symbole royal.

Au XII ème siècle Jayavarman VII , roi bouddhiste, décida d'abandonner le linga et de s'incarner dans le Bouddha. Il créa la trinité Bouddhique ( Bouddha, Lokecvara, Prajnaparamita ) en instaurant le culte se ses parents : sa mére devint la déesse Prajnaparamita, mère spirituelle de tous les Bouddhas, dont l'âme séjournait au Ta Prohm. Son père devint le bodhisattva Lokecvara, le "Bouddha compatissant", le dieu de bonté accessible à tous, demeurant au Prah Khan.
C'est Lokeçvara, père de Jayavarman VII, qui, semble-il, étend sa protection à tout l'univers sur les tours à quatre visages du Bayon. En statuaire, il est souvent représenté debout ou assis sur un lotus épanoui. Ses bras multiples portent un livre, un flacon, un rosaire et un lotus. Il peut présenter plusieurs têtes étagées, et souvent émanent de lui de multiples petits êtres..

Au XIII ème siècle le Bouddhisme du Grand Véhicule céda devant le Civaisme qui, petit à petit laissa la place au Bouddhisme du Petit Véhicule de langue pâli (Ceylan), qui est encore la religion officielle du Cambodge.
La relation de voyage de Tcheou Ta-Kouan à Angkor en 1296 fait surtout resortir le contraste entre l'histoire restituée par les inscriptions vernaculaires ou les chroniques, et les informations recueillies sur place à l'époque. Tcheou Ta-Kouan nous apprend que, au moment de sa visite, trois religions coexistent à Angkor : des brâhmanes ; des bonzes dont le nom siamois corrobore une provenance thaïe du bouddhisme pratiqué; des ascétes vivant en monastère et rendant un culte au linga.
Il est aussi le témoin d'un rite annuel de défloration des filles nubiles par les moines. A aucun moment il ne signale des moines vêtus d'un habit bleu-indigo, portant les cheveux longs, etc. Toutefois, la description qu'il fait des religieux d'Angkor ne s'oppose apparemment pas avec le peu que l'on connait des descendants du culte des Ari. Ainsi, les chao-ku coexistent avec des brahmanes, vivent en monastère, prêchent des croyances qui ne sont certainement pas en contradiction avec le culte des Naga, sont tenus d'accomplir des rituels très spéciaux qui mettent en cause la notion habituelle de chasteté religieuse, reçoivent des offrandes diverses et notamment du vin. Mieux encore, ces bonzes qui ne sont manifeste ment pas des Theravâdin orthodoxes, " écrivent des caractères noirs (...) sur des feuilles de palmier entassées très régulièrement " et l'on devine, d'après l'épigraphie, que la langue qu'ils emploient pour transcrire leur texte n'est pas le sanscrit mais le pâli.

On peut se demander si les anciens Mahanikay du Cambodge, à travers les descendants des Ari, ne sont pas les fils spirituelsdes premiers bouddhistes de langue pali d'Angkor (François Bizot).

2- LES REPRESENTATIONS DU BOUDDHA.

Les nombreux épisodes de la vie de Bouddha,( " le grand départ" où l'on voit les dieux amortir le bruit des sabots de son cheval, la tentation du démon Mara...) se retrouvent fréquemment sur les bas-reliefs.
Les statues représentent le Bouddha dans des poses diverses qui toutes ont une signification :

Le visage de Bouddha est invariablement empreint d'une sérénité souriante et d'une grande douceur.

Le corps est vêtu d'une robe de moine découvrant l'épaule droite. Sur la tête est posée "l'usnisha" sorte de chignon en bouclettes. (Au Siam et au Laos le chignon est surmonté d'une flamme et l'ovale du visage est allongé).
Revêtu d'un costume princier, coiffé d'un diadème et d'un chapeau conique (mukuta), " paré", le Bouddha est souverain du monde. Le Bouddha peut parfois porter un signe sur le front.

Le Bouddha, quant il est assis, est presque toujours posé sur un socle garni de pétales de lotus ou sur les replis du corps du nâga Mucilinda dont les têtes, toujours en nombre impair, sont déployées en éventail pour le protéger de l'orage pendant sa méditation.

L'empreinte du pied du Bouddha, sur laquelle sont gravée, autour d'une roue (chkra), de nombreuses inscriptions, constitue aussi un sujet d'adoration. (Phnom Bakeng)